Et maintenant, je suis ici :

mercredi 29 juillet 2009

Dzouing dzouing

Aujourd'hui, j'ai épluché ma première mangue, j'ai enfin obtenu mon permis de séjour valable jusqu'à la fin du mois de juin, j'ai mangé mes premiers pakoras dans la rue, je suis passée à deux doigts de la mort dans un rickshaw zigzaguant à contresens sur la rocade en heure de pointe, j'suis allée secouer les prunes à la proprio pour qu'elle fasse réparer ce damné toit, j'ai rencontré une Bulgare complètement barge qui rigole à toutes mes blagues, et j'ai réservé mon billet pour le Cachemire pour la mi-août. Et j'essaye de charger mes photos du Fort Rouge de Delhi sur mon blog, mais il rechigne.

mardi 28 juillet 2009

Having problems making a comment ?

Petit récapitulatif de la "procédure" à suivre selon Adrien pour poster un commentaire :

"ben en fait, j'envoie un message
la, il me dit "reessayez plus tard"
tetu que je suis, je retente
la, il me reconduit vers l'identification, donc si t'es inscrit, tu mets ton mail et mot de passe
ensuite, autre page, je dois noter un mot, bla bla bla
et après c bon!"

A bons entendeurs ;)

Monsoon, at least / at last

A l'attention d'Ange-tout-puissant : je lui suis totalement redevable de cette imposante mousson qui s'abat sur le nord de l'Inde. Mais s'il pouvait s'arranger pour qu'il ne pleuve plus DANS MON APPART je le considèrerai à jamais comme le plus grand de tous les dieux !!!!!!

Old Delhi part 2 : लाल किला (le Fort Rouge)


Les pieds de l'étranger avancent sur les sentiers poussiéreux presque sans conscience, mus par une curiosité insatiable, vers le nouveau, l'étrange, le fascinant. C'est ainsi qu'une nouvelle fois j'ai plongé dans l'univers tumultueux de Old Delhi, avec moins d'appréhension cette fois. Ce bruit, cette saleté, sont inamovibles, et forment presque l'équilibre de ces quartiers. Une fois acceptée cette idée, on se laisse aller aux tourbillons de couleurs et d'odeurs. Cette fois, accompagnée de Marine, ma coloc, je suis allée jusqu'au fameux Fort Rouge, non loin de Chandni Chowk. Il s'agit d'une imposante forteresse de grès rouge flamboyant, à la silhouette immuable derrière les flots de circulation. On confond souvent cette forteresse avec un autre Fort Rouge, situé à Agra (la ville du Taj Mahal), et l'erreur est compréhensible, non seulement à cause du nom identique, mais aussi parce que les deux forts datent de la période des Grands Moghols, la dynastie musulmane qui a régné avec faste sur l'Inde aux XVIe et XVIIe siècles. Celui de Delhi a été construit par l'empereur Shâh Jahân en 1639, et agrandi par son fils Aurangzeb par la suite. J'imaginais une forteresse d'un seul tenant, mais il ne s'agit pas du tout de ça. En débouchant sur l'esplanade devant le fort, on se rend compte qu'il s'agit d'une immense enceinte gardant en ses murs plusieurs bâtiments d'architecture moghole extrêmement raffinée. On passe d'abord par une galerie cernée de voûtes dans laquelle sont installés de multiples commerces de verroterie, de marionnettes, d'artefacts divers... Puis on débouche dans une cour intérieure où la végétation est étonnamment présente et maintient une atmosphère reposante, malgré l'afflux des touristes en majorité indiens. A ce propos, jamais encore autant qu'au Fort Rouge je n'ai été à ce point dévisagée. Marine et moi, deux Blanches seules, étions vraiment les bêtes de foire. Hommes, femmes, enfants, tous nous dévisageaient, souvent curieux, parfois désagréables. Les jeunes hommes s'arrêtaient pour nous demander s'ils pouvaient nous prendre en photo... Et si nous disions non, ils s'arrangeaient pour le faire en douce. Quelques-uns nous ont suivies... Un père de famille nous a approchées pour nous demander de poser sur une photo avec sa fille...

Malgré ces petits désagréments, nous avons passé un long moment dans l'enceinte du Fort, le temps d'admirer les coupoles qui se découpent de façon aérienne dans le ciel, les incrustations de pietra dura,
technique fascinante s'il en est : il s'agit d'incrustations de pierres (autrefois, il y avait même des pierres précieuses, malheureusement volées) taillées de façon extrêmement fines et incrustées dans le marbre, avec tant d'art que la surface lisse ressemble à une peinture. A l'intérieur des fiers bâtiments de grès ou de marbre, les arches et les voûtes forment un savant canevas qui court d'un bout à l'autre des constructions. Les colonnades s'enchaînent, et font de ces petits palais un royaume des courants d'air : l'agencement intelligent des salles et des colonnades fait que l'air circule perpétuellement. En somme, une bâtiment de guerre qui est plutôt un lieu de paix. La prochaine fois que je fais une visite de ce genre, pourtant, je prendrai une étole pour me couvrir les cheveux et le visage... Je serai une de ces ombres musulmanes d'un autre temps, une de celles dont on imagine la silhouette glissant le long de ces murs de grès et ces colonnes de marbre, voilées pour respecter la stricte tradition de la purdah, pures et inaccessibles.


Le spleen de Delhi

Toutes ces choses qui me viennent
Toutes ces choses qui me quittent
Ces choses qui me reviennent
Ces choses qui me requittent
Faudrait que ça me revienne
Avant que ça me passe vite…

Vanessa Paradis, Junior Suite


Un regard pour un sourire, un rire pour un oubli. La lune est d’or ce soir. Golden Chandra. Elle appartient à un autre monde, voilée par un brouillard jaune, opaque, oppressant. Je me joins à elle un instant, et alors j’oublie les bruits, les odeurs, la pollution. Je vois d’en haut la grande mosquée Jama Masjid qui, toute de grès et d’argent, étincelle comme un ostensoir. Au loin, très loin, au-delà des terres qui s’étendent comme un long reptile alangui, je sais, je devine la mer. Je sens son souffle profond et je glisse sur l’écume. Je découvre des espaces infinis en me cachant au creux des lames, et glisse et bascule de l’autre côté des océans.

Spicy fragments of the Delhite life


Klaxonner en voiture ne veut pas dire « Bouge-toi de là » mais « Je suis là ! », « Coucou », et aussi, « Attention je suis à droite », ou encore « Heyyyyyy ! »… Mais aussi « C’est moi le plus gros donc c’est moi qui passe ». Les véhicules quels qu’ils soient ont leur langage et ne se laissent pas réduire au silence. Alors, ici, le klaxon, c’est la vie. Et quelle vie !

Un trajet en rickshaw coûte en moyenne 40 roupies. Mais quand le conducteur voit nos têtes de Blancs il n’hésite pas à réclamer 100 roupies. Chacun.


J’ai trouvé le régime idéal, le plus efficace qui soit ! Simple, et succès garanti. Prenez le premier avion en direction de l’Inde et prévoyez un séjour d’au moins deux semaines, mais maximum un mois, de préférence en période d’été. Meilleur rapport qualité-prix existant sur le marché ! Régime testé pour vous : moins 5 kgs en moins de trois semaines !


J’habite dans le sud de Delhi. Au nord, il y a un super réseau de métro, rapide, ultra moderne, propre, sécurisé, pas cher. Devinez quand les travaux d’extension du réseau jusqu’au sud seront terminés ? En juin 2010. Juste après mon retour en France.


Le Nutella est un produit de luxe ici : il coûte le même prix qu’en France !!


Une bouteille d’eau minérale coûte 13 roupies, soit 0,19 euros. Un (un seul !) rouleau de PQ coûte 39 roupies, soit 0,58 euros.


A ce propos, je n’ai pas encore percé le plus grand mystère de l’Inde éternelle : le Grand Tabou des Chiottes Indiennes.


Est-ce qu’un jour les Indiens vont perdre la sale manie de remuer la tête de gauche à droite pour dire « oui » ?


J’avais entendu dire que les Indiens roulaient à gauche, comme dans tous les pays du Commonwealth. Mais on m’a menti. Les Indiens roulent n’importe où.


Paris est une grosse ville qui fait la taille de la France. En d’autres termes, il n’existe pas d’autre ville en France.


« Ah, you come from France? Dat’s in Europe, right? »


Un soupirant indien appelle en moyenne 50 fois avant de se lasser.


L’infériorité de la femme indienne se marque de mille et une façons. Une des plus savoureuses : la femme indienne se fait trimballer par son homme en moto, assise en amazone, sans casque bien sûr (y’en a qu’un, et c’est celui de Monsieur), parfois avec un minuscule gamin lové comme un koala contre son ventre, et très souvent, chargée d’un grand cabas de commissions.


Le meilleur boulot en Inde : garde ou vigile. Seul matériel : une chaise en plastique. Le principe est simple : attendre toute la journée que quelqu’un prenne la relève. Moment fort de la mission : lever la barrière de « sécurité » pour laisser entrer les voitures des résidents.


Exemple d’application de l’anecdote précédente : notre voisin dispose d’environ 10 gardes qui se relayent sur la chaise en plastique devant sa grande villa, de jour comme de nuit.


L’Inde est un pays peuplé. Très peuplé. Alors le travail se fait rare. D’où la division extrême du travail. Exemple : au moins 15 serveurs dans un bar branché, pour trois tables occupées. Autre exemple : à la gargote du coin dans notre quartier, deux tables en plastique pour les clients, et 11 employés : 6 cuisiniers, pour une seule plaque de cuisson (bah oui, un qui découpe, un qui épluche, un qui fait frire, un qui est posté devant le four, et deux qui font rien !), 3 serveurs (un qui donne la carte, un qui nettoie la table, un qui apporte les plats), et deux auxiliaires (le Sikh qui prend les commandes, et le gars qui lui tend le téléphone).


Il est 2h35 du matin et un fou du sifflet sévit sous mon immeuble. Comme chaque nuit.


A l’entrée d’un cinéma, on se fait fouiller comme à l’aéroport.
Ah oui, et à propos du ciné, la salle de projection est un lieu public comme un autre. On peut téléphoner pendant le film, s’apostropher à travers la salle, prendre son plateau repas en faisant des borborygmes de contentement, parler très fort de toute autre chose que du film. Freelance !

Putain, les Indiens parlent trop mal anglais (« 2e langue officielle, mon c** », dixit Marine !)


Ici, un portable un peu évolué coûte le même prix qu’un frigo.


Parler de religion à un hindou, c’est se retrouver au beau milieu d’un débat théologique pour savoir si c’est Ram ou Krishna le plus grand de tous les dieux.


L’Inde est le royaume des fourmis géantes.


Température moyenne à Delhi juste avant la mousson : 45°. Et, le mieux, c’est que la nuit, c’est pareil !


La mer, depuis ici, c’est vachement loin.


Prévision sur 10 mois : au retour en France, faire un check-up médical complet. Parce que la mort nous guette à chaque seconde, à chaque coin de rue. L’eau du robinet n’est pas buvable. Les moustiques transmettent le palu. Les fruits donnent le courante. La pollution goudronne nos poumons comme le feraient 10 ans de clopes. Le choléra, la tuberculose, la fièvre jaune, la lèpre couvent dans les faubourgs.


Un Blanc est forcément un Américain.


Personne ne critiquerait les fonctionnaires français après avoir fait ne serait-ce que brièvement connaissance avec l’administration indienne.

Les Français sont réputés pour être racistes, sales, radins, prétentieux, lubriques.

La Yamûna, c’est crade.

Je ne sais plus rien

Je n’en ai pas parlé plus tôt car je ne voulais ni inquiéter ma famille et mes amis ni donner une image trop négative de l’Inde aux éventuels passing by readers, mais vraiment, les deux premières semaines ont été dures. Très dures. Trop dures ?

D’abord, parce que l’Inde vous prend aux tripes, dès l’arrivée, sans préavis. Vous la portez au corps pendant toute la durée de votre séjour, et je suppose que même après le retour dans votre pays d’origine il faut un moment pour retrouver une certaine sérénité. Cette sorte de diable qui m’habite depuis mon arrivée à Delhi dans la nuit du 8 au 9 juillet ne forme pas que des intentions négatives ; mais il m’impose sa volonté avec force et violence. Et sous sa juridiction il m’a prise body and soul.

Tout a commencé à l’arrivée à l’aéroport de Delhi. Ou même peut-être un peu avant, quand je suis entrée dans l’avion à Londres et que je me suis retrouvée seule Occidentale au milieu de dizaines d’Indiens rentrant au pays, Sikhs enturbannés, Indiens occidentalisés munis de multiples gadgets, femmes aux bracelets tintant doucement, enfants sages parlant déjà plusieurs langues, hôtesses de l’air au maquillage extrêmement sophistiqué, un peu abusif, aux postures et au sourire étudiés… Mais le long voyage de dix heures entre Londres et New Delhi a agi comme un sas de décompression, une longue parenthèse où rien n’est vraiment ni européen ni indien, juste une saveur indéfinissable où tout se mélange. Alors cette fois je peux dire que c’est vraiment à l’aéroport indien que tout a commencé. Comment ne pas se sentir perdu devant ces files interminables d’attente pour la validation rigoureuse des papiers officiels, ces panneaux en hindi et en anglais (mais surtout en hindi), ces multiples rabatteurs cherchant à amener les nouveaux touristes dans des taxis et des hôtels où ils touchent des commissions ? Heureusement j’ai été largement guidée par un Indien très sympathique que j’ai rencontré dans l’avion, et qui ne m’a pas lâchée jusqu’à ce que j’aie rejoint Pierre, qui arrivait par l’avion suivant, et que nous ayons pris ensemble un taxi vers l’auberge de jeunesse. Après ça, ce guide improvisé (avec qui j’ai gardé contact depuis… J’espère pouvoir aller lui rendre visite au Penjab, un peu plus tard dans le semestre) nous a quittés, et là la vraie plongée dans la société indienne a eu lieu.

J’ai préparé ce voyage, et je suis partie en Inde en sachant très bien que je n’avais en aucun cas fait un choix facile. Je savais que je perdrais mes repères, que je me sentirais seule, que je verrais des choses terribles. Mais en aucun cas je n’étais préparée à ça. Je pensais sans doute que, de même que les côtés négatifs me sauteraient à la gorge, les côtés positifs se montreraient immédiatement. Mais pour un Européen hors circuit touristique, qui cherche à s’installer pour un certain temps, ce n’est pas le deal. Le démon dont je parlais tout à l’heure a décidé qu’avant de pouvoir respirer et vraiment vivre l’Inde, il fallait traverser un petit bout d’enfer. Et ici, l’enfer, c’est la rue. Ces rues où grouillent des milliers d’âmes et de carcasses métalliques, où se superposent tous les niveaux de vie dans un concert incessant et assourdissant de klaxons, de cris, de plaintes, de rires. Se déplacer est un vrai casse-tête. Au bout de quelques jours on se rend compte des proportions de la ville et on réalise qu’aller d’un quartier à un autre de la ville à pied prend au minimum une demi-heure. Dans les rues, on tombe régulièrement sur des mendiants et des intouchables aux conditions de vie à faire pleurer une momie desséchée. Je ne compte plus le nombre de personnes mutilées que j’ai vues claudiquant sur le bord de la route dans l’espoir de récolter quelques peisas (centimes). Les enfants qui se collent aux vitres des taxis ou viennent toucher les pieds (signe de respect) des touristes dans les rickshaws ont à peine 3 ou 4 ans, et ils ont passé toute leur vie dans la rue. Il y a quelques jours j’ai aussi vu mes premières vaches sacrées sur le bord de la route, le long des trottoirs défoncés que des gens très pauvres, parmi lesquels une majorité de femmes - how surprising - passent leurs journées et leurs nuits à réparer, sans que l’on voie un grand changement. Ici, à New Delhi, il y a aussi énormément de chiens errants, mais qui sont trop occupés à chercher quelque nourriture pour attaquer les passants. Ca, c’est pour la couche de population qui vit dans la rue. Mais bien sûr on ne trouve pas qu’eux : la rue est une espèce de complexe théâtre où plusieurs troupes jouent sur la même scène mais sans partager la même histoire. Alors on trouve aussi des Indiens très riches, souvent habillés à l’occidentale, se déplaçant dans de grosses voitures aux vitres fumées et avec la climatisation. Et puis, il y a moi, la Française, encore un peu perdue, encore un peu habillée à l’européenne. Tous les regards sont braqués sur moi, ceux des hommes sont extrêmement insistants. Je suis à la fois la figure de l’étranger et celle de la femme exotique. Je dois m’habituer à toujours être considérée comme une étrangère, et être dévisagée des pieds à la tête, les regards s’attardant désagréablement sur toutes les courbes de mon corps.

Et puis aussi, je dois tout réapprendre. Ici, je ne sais plus communiquer. L’anglais suffit à peine car seule la classe aisée le maîtrise véritablement. Pour se faire comprendre des rickshaws-wallas c’est une autre affaire ! Je ne sais pas manger, non plus : au restaurant je suis décontenancée par les plats qu’on me sert, à la petite supérette du coin je ne sais pas quoi acheter. Je ne sais pas comment payer, je ne sais pas comment être respectée. Je ne sais même pas traverser une rue !

C’est pour ces raisons que deux univers s’opposent et s’équilibrent : la Rue et l’Intérieur. La Rue, c’est la jungle, le danger, l’étouffement. L’Intérieur, c’est un appartement, avec de l’espace, de l’air (parfois la clim), un monde à soi. Une bulle, un aquarium. Dans cet aquarium, l’eau c’est la climatisation, les autres poissons sont des personnes parlant la même langue. Car pour l’instant, par instinct de survie, je reste plutôt avec des Français. Je me suis fait quelques amis à l’auberge de jeunesse la première semaine, mais comme les gens sont de passage il n’est pas facile de garder contact. Par contre, les Français que j’ai rencontrés à l’ambassade vont rester plus longtemps, et surtout ont traversé, traversent, ou vont traverser les mêmes problèmes que nous. Le plus gros problème, c’est le logement. N’importe quel Français pensera qu’en Inde les loyers sont très bas. C’est faux. Surtout à Delhi. Il nous a fallu presque deux semaines pour trouver un logement décent avec le budget dont nous disposions, considéré comme « very low » : nous proposions 300€ par mois, chacun. Au début je voulais habiter sur le campus de JNU ; après avoir visité quelques chambres, et après mûre réflexion, je me suis dit que je serais incapable de survivre une année en vivant là-bas. Alors je me suis tournée vers l’option « appartement en colocation ». Pas évident ici, surtout pour des Français, qui ne sont pas des locataires très appréciés ! J’ai quand même fini par trouver, après plusieurs retournements de situation, dont un changement de colocataire et deux changements d’avis de dernière minute. J’habite désormais avec deux Françaises dans un petit appartement au sud de Delhi. L’une, Marine, est étudiante en relations internationales à JNU aussi, et l’autre, Justine, fait partie des stagiaires de l’ambassade de France. Notre appart, ce n’est vraiment pas le Ritz, d’autant que nous n’avons pas de meubles (héhé, espérons que ça viendra, dès qu’on aura un peu de sous !), mais c’est propre et nous avons une « maid » qui vient tous les jours pour le ménage et la lessive. Eh oui, c’est normal ici… Il ne faudra pas que je m’habitue trop à ce genre de confort !

Enfin bref, that’s it, je suis installée, et enfin le démon peut me payer mon dû, le côté positif de l’Inde. Enfin je vais pouvoir commencer à visiter Delhi, la cité moghole, puis à étendre mes pérégrinations en dehors de la capitale. Egalement, un apport non négligeable, nous avons fait installer Internet, et je vais pouvoir communiquer avec la mère patrie ! Et enfin, je vais pouvoir commencer sereinement le semestre, en oubliant tous mes problèmes administratifs des dernières semaines, en sachant que le soir, j’ai mon refuge, mon petit chez moi, ce monde à part où je peux me ressourcer quelques heures avant d’à nouveau m’élancer dans l’Inde éternelle, l’Inde étouffante, l’Inde omniprésente.

dimanche 19 juillet 2009

Old Delhi part 1 : चाँदनी चौक (Chandni Chowk)

Après presque deux semaines de recherche d’appart aussi assidue qu’infructueuse, l’envie nous prend d’être les plus communs des touristes et de découvrir Delhi de l’intérieur. Quelques minutes (heures ?) de palabres plus tard (il faut dire que vu la chaleur, la fin de l’après-midi arrive soudain avec une grosse vague de flemme), nous voilà embarqués dans un rickshaw en direction de Connaught Place, une espèce de gros (très gros) rond-point en plein centre de la ville. Petite précision en passant : un rickshaw est conçu pour deux ou trois passagers, au-delà ça devient compliqué ; et nous sommes 4, donc je suis assez inconfortablement installée sur les genoux d’un des gars, mes jambes coincées dans la barrière métallique de devant… Mais nous sommes loin de faire là une performance vraiment intéressante : le record est détenu par des gens de l’ambassade de France, avec 11 personnes sur un seul rickshaw !

Mais revenons à nos papillons. Le Old Delhi, la vieille ville moghole, est situé au nord de la ville. Alors nous décidons d’en profiter pour faire une partie du voyage en métro. Ah, ce métro ! Il n’a rien à envier aux métros les plus modernes de chez nous, la sécurité en plus. A l’entrée, on est fouillé comme dans un aéroport ! Avec d’ailleurs pour la fouille deux files séparées, hommes d’un côté, femmes de l’autre, parce qu’il faut pas déconner ! Tout est propre, bien indiqué, climatisé, résolument moderne. Mais, surprise, le prix des tickets est variable selon le nombre de stations parcourues. Réalité durement apprise, après être restés coincés à la sortie d’une station parce que nous étions allés plus loin que prévu à l’origine…

A Chandni Chowk, les portes battantes de la station de métro s’ouvrent et se referment dans un bruit mat, et soudain le vieux quartier populaire apparaît, sans transition, dans toute sa folie. On m’avait dit que la rupture entre New Delhi et Old Delhi était très claire, mais connaissant le joyeux bordel de New Delhi je me demandais bien comment ça pouvait être pire… Alors imaginez des ruelles extrêmement étroites où se bousculent marchands pressés, porteurs, prêtres, mendiants, chiens errants, singes aussi… Ici, la pauvreté saute aux yeux. Elle n’est pas pudique comme à New Delhi, elle s’affiche partout. Des bandes de gamins galeux, des lépreux exhibant leurs moignons, des vieilles femmes - sans doute des veuves - réclamant de quoi manger, des familles entières dormant le long des trottoirs… L’étranger doit faire face à cette cruelle réalité, suffisamment choquante d’ailleurs pour que je comprenne pourquoi de nombreux touristes en Inde ne supportent pas cet aspect du pays et repartent avec une image extrêmement négative. Jamais l’injustice n’a été aussi poignante, ni l’impuissance aussi amère. Je ne montrerai pas d’images de cette pauvreté-là. Refuser de la regarder dans les yeux est lâche. En prendre des photographies est carrément indécent.

En dehors de cette pauvreté, l’impression principale est qu’ici, la place a toujours manqué, mais que plutôt que de s’installer ailleurs, les habitants ont préféré entasser, serrer, compresser, ajouter. Le neuf sur le vieux, dans le vieux. Il n’y a pas assez de place sur les murs pour toutes les pancartes publicitaires, mais qu’importe, on en ajoute encore et encore. Les entrées des boutiques sont minuscules et donnent sur un réduit tout en longueur dans lequel s’entassent des tonnes de marchandises à négocier avec le marchand alangui sur un fin matelas au fond de son magasin, le plus souvent profitant de la clim. Et des marchands, ici, il n’y a que ça. Chandni Chowk n’est pas seulement le quartier populaire, c’est aussi un des plus immenses bazars de la ville. C’est un incroyable labyrinthe de ruelles sombres et étroites, une fourmilière géante dont les lois échappent à l’étranger. Mais c’est tant mieux : c’est en perdant ses repères qu’il s’égare au cœur du bazar, et il n’y a rien de mieux que de se perdre dans ces ruelles pour faire connaissance avec le quartier. En comparaison, la caverne d’Ali Baba paraît bien insignifiante : ici, c’est le quartier entier qui répond à la définition de caverne aux merveilles. La lumière ne provient pas des rues, fort mal éclairées, avec à peine quelques lanternes et surtout des tonnes de fils électriques s’enchevêtrant du haut des maisons jusqu’au niveau de la rue ; elle provient de l’intérieur des magasins. Elle se revêt de centaines de couleurs en passant à travers les amoncellements de bijoux, de tissus, de fruits, d’ustensiles divers. Chaque rue de Chandni Chowk est apparemment spécialisée dans la vente d’un seul type de marchandises : dans celle-ci on trouvera exclusivement des livres, dans celle-là seulement des bijoux, dans celle-là encore juste des tissus… J’ai ainsi parcouru une ruelle entière où je n’ai vu que des sachets de perles multicolores ! Ce quartier est à l’image de l’Inde, hétéroclite, multicolore, mais aussi un peu suffoquant. Le jaune orangé des papayes, le rouge et or des saris de mariée, les colliers de fleurs blanches et oranges pour les offrandes des temps, le noir bleuté des yeux des marchands indiens, et cette atmosphère empesée, cette nécessité de boire continuellement pour ne pas se dessécher…

Parfois, ces ruelles exiguës débouchent sur un espace dégagé, et on se retrouve soudain face à un monument important. Nous avons en particulier visité un grand temple sikh dont les grandes coupoles d’or dominent une des places principales de Chandni Chowk. Si j’ai bien compris, il se dresse à l’endroit où un des gourous fondateurs du sikhisme a été martyrisé. Le sikhisme est une religion bien mystérieuse pour un spectateur européen, et je ne me risquerai donc pas, pour l’instant, à tenter d’en expliquer la doctrine. Je me contenterai de dire que c’est une des religions minoritaires d’Inde, qui compte néanmoins des millions d’adeptes, ayant pour point commun de s’appeler Singh (« lion »), de porter un turban ou un chignon sur le haut du front, ainsi que plusieurs autres signes distinctifs. Leurs temples sont particulièrement fastueux, comme me le montre la visite de celui-ci. Avant d’entrer, je dois retirer mes chaussures et les déposer à la consigne, puis purifier mes pieds, mes mains et mon visage avec de l’eau. Je dois aussi, comme tous les autres, couvrir mes cheveux avec au moins un morceau de tissu (fourni à l’entrée pour les rares touristes). Il faut encore passer par une espèce de bassin (qu’Arthur, devant l’aspect peu engageant de l’eau, appelle « le bac à champignons ») avant d’emprunter le grand escalier menant à la salle de prière. Là, un gourou scande la prière qui est diffusée à travers des haut-parleurs. De multiples ventilateurs de plafond permettent d’entretenir une atmosphère respirable. La salle de prière est bondée ; apparemment, les fidèles peuvent rester plusieurs heures assis en tailleur à écouter le gourou, et nous sommes les seuls étrangers. A l’étage, en passant par un long escalier en colimaçon, on trouve de multiples petites salles où, seuls, des prêtres ou des fidèles, dans le plus grand recueillement, lisent le Guru Granth Sahib, le livre sacré. Pour le reste, il faudra que j’éclaircisse dès que possible plusieurs mystères concernant les rituels appliqués dans l’enceinte du temple, il y a pour l’instant pas mal de choses qui me dépassent !

Nos pérégrinations nous conduisent aussi, à travers les minuscules ruelles, dans un temple jaïn, qui n’a pas grand-chose à voir avec le précédent. Celui-là, nous l’avons vraiment découvert par hasard, car aucun panneau ne l’indiquait, et il ne se trouve pas dans un espace dégagé mais à la nervure d’une ruelle très sombre (je ne sais d’ailleurs même plus ce que nous faisions là-dedans… Sans doute l’appel jaïn !). L’enfant qui nous accueille à l’entrée du temple a la gale, mais il a le sourire le plus radieux que j’aie jamais vu. D’ailleurs il se marre pas mal en voyant que nous commettons la bourde de rentrer dans le temple avec nos chaussures aux pieds et notre montre au poignet : « forbidden, forbidden ! ». Une cloche tinte continuellement dans la salle de prière, et quelques hommes chantent devant une statuette de dieu couronnée de fleurs. Un chant puissant et enjoué, qui retentit à travers les voûtes du temple. Apparemment, n’importe qui peut venir prier ici, quelle que soit sa religion, à condition de respecter certaines règles : poser ses chaussures, poser également tout appareil électronique, toute nourriture, toute montre, à l’entrée. C’est aussi interdit aux femmes en période de menstruation. Les garçons, intrigués par ce temple, finissent par accepter la proposition d’un prêtre de leur faire visiter l’édifice, contre rétribution bien sûr, et dans un anglais vraiment approximatif ! Pendant ce temps Justine et moi gardons toutes les affaires qu’ils ont dû déposer en entrant. Nous ne restons pas longtemps en tout, et préférons retourner nous perdre dans les ruelles de Chandni Chowk, où la nuit et la fermeture des échoppes nous surprennent. Nous décidons de manger chez Karim, un restau musulman très renommé et pas cher. Encore une fois, nous sommes parmi les très rares étrangers (ce n’est décidément pas la saison touristique !), mais l’accueil est chaleureux et la nourriture excellente. A ce moment-là, nous ne savons plus bien où nous sommes. Alors, pour sortir du bazar après le repas, reste la solution du cyclopousse (l’auto-rickshaw n’est pas vraiment autorisé à circuler ici, de toute façon il y resterait coincé !). On ressent comme un pincement au cœur quand on voit l’effort que doit fournir le conducteur pour faire avancer son engin, chargé comme il est… Pincement largement compensé par son sourire en recevant son dû à la fin du voyage.



Justifier

mercredi 15 juillet 2009

« Oh yeah, dat’s de day you cut your king’s head off, right ? »


« Euh oui… Enfin nan ! Non en fait c’est pas ça, tout a commencé avec la famine et les problèmes économiques… Mais même plus que ça, ça faisait longtemps que les inégalités n’étaient plus… Après y’a eu la réunion des Etats généraux et les cahiers de doléances… Ah oui mais comment on dit « doléances » ? Euh… Et donc en fait le roi n’a été tué que bien plus tard… Pourquoi on a attendu aussi longtemps ? Huh… Bah euh les changements se sont… You know… Oha forget it, oui en fait on va dire que c’est ça ».

National day. Ce 14 juillet prend encore plus de sens quand on est loin de la France. Non pas que je saisisse mieux la portée symbolique de la prise de la Bastille et de ses conséquences sur la société et les mentalités françaises ; mais, tout simplement, ce jour de fête porte à lui seul un système de valeurs purement françaises. Soudain, fêter le 14 juillet, ou prétendre le célébrer avec ferveur, c’est faire partie du microcosme français, une aiguille dans la gigantesque botte de foin indienne. Alors on accepte l’invitation de l’ambassadeur, on se précipite à Chanakya Puri, le quartier des ambassades, pour entrer dans ce bâtiment peu attrayant en temps normal mais ce soir-là revêtu de ses habits de fête, et prendre une grande bouffée d’air fr-anç-ais. Il faudra se passer de feu d’artifice, ce qui sans doute provoquerait un pincement au cœur à n’importe quel Français. Mais on se console devant le gigantesque buffet garni en énorme majorité de charcuterie, de pain, de fromage, qui sont bien sûr la base de l’alimentation française et manqueraient à n’importe quel Gaulois expatrié. Les Indiens invités à la soirée s’approchent, circonspects, du buffet. Ils font un détour pour s’éloigner des plateaux de charcuterie, examinent le fromage avec réticence puis s’en servent une pleine assiette, et carburent au « French champagne » pendant toute la soirée. Tant et si bien qu’il n’y en aura pas assez pour tout le monde ; et je fais partie des Français lésés.

Pour ce qui est des Indiens, bien sûr, on peut en rencontrer pendant cette soirée. Mais ces Indiens-là, ils sont triés sur le volet. Ils travaillent avec l’ambassade, ou alors ont des amis français, ou collaborent d’une façon ou d’une autre avec la France. Parce qu’on ne ferait pas venir n’importe qui au saint des saints de l’Ambassade de France. Alors il ne s’agit que de couples extrêmement élégants, de saris brodés de perles, de bijoux chatoyants, de sourires aimables, de conversations en langues multiples. L’Inde d’en-dessous tente quand même de se faire sentir, ou doit se faire sentir. Ce sont des Indiens qui tiennent les buffets et servent les plateaux en passant à travers une foule grouillante, riante, sentant le champagne et le saucisson. Avec ces Indiens et ces Français, il y a aussi des représentants des ambassades voisines, et même des gens tout à fait incongrus, comme une Thaïlandaise faisant une démonstration d’arts martiaux (ne me demandez pas lesquels) au milieu de la piste de danse, au risque de révéler ses sous-vêtements aux regards impudiques, ou des militaires débridés, à la nationalité indéfinissable (« Non mais, ils sont vraiment français ?! ») investissant les hauts lieux de la soirée : buffet et piste de danse.

Ainsi, tout ce beau monde se réunit sur un seul prétexte, celui de la fête nationale française. Pendant ce temps, un peu plus loin sur le globe, Paris se prépare à accueillir Manmohan Singh, le chef du gouvernement indien, et plusieurs unités de l’armée indienne pour le très fameux défilé des Champs-Elysées, sous l’œil attentif du très réputé Nicolas Sarkozy - souvent assimilé, pour l’apparence et les mimiques, à Mister Bean. Following the French way, on danse assidûment sur des rythmes français. La sélection française, c’est quand même, il faut le dire, un DJ capable d’enchaîner, à la fête de l’ambassade, « Gare au gorille », Edith Piaf et un extrait de la chanson de Gainsbourg, « Je vais et je viens entre tes reins… »… Tout cela avant de repasser cinq fois de suite « L’aventurier »… Mais qu’importe, on rit on danse, et « on se beurre le museau » tous ensemble, oubliant pour quelques heures qui filent comme des étincelles que dehors, juste là, après le poste de contrôle, c’est l’Inde la vraie, l’Inde la dure.


















































dimanche 12 juillet 2009

Ma vie en rickshaw

Ca y est, j'ai pu commencer à explorer un peu la ville ! Et quoi de plus pratique et de plus typique que le rickshaw pour se rendre d'un point à un autre ? Ces petites bagnoles jaune et vert n'inspirent pas au premier abord un grand sentiment de confiance... Mais elles se glissent partout, y compris dans les pires embouteillages qui sont monnaie courante ici. En tant qu'Européenne, je ne maîtrise pas encore bien ni la technique pour marchander ni la grille des prix. Apparemment, la première fois que j'en ai pris un, j'ai payé au moins cinq fois trop cher ! Mais c'est après tout normal que les conducteurs de rickshaw essayent de nous soutirer un peu plus d'argent, quand on voit à quel point un Français issu de la classe moyenne la plus commune se retrouve ici propulsé au rang de nabab. Quoi qu'il en soit, voici la bête : nice huh ? Une coursede 20 minutes coûte en moyenne 30 à 40 roupies, soit entre 0,45 et 0,60€, et, si on a été assez clair et assez ferme avec le conducteur, permet d'arriver rapidement à bon port, en évitant les bouchons. C'est beaucoup moins cher que le taxi et beaucoup plus sûr que les bus ! De toute façon, dans le quartier où je suis pour l'instant, Chanakya Puri, le quartier des ambassades, c'est à peu près le seul moyen de se déplacer : je suis très loin de la ligne de métro, dont les prolongements seront terminés juste après mon retour en France !!

Cette petite carcasse ouverte de toutes parts (regardez de plus près, vous verrez qu'il n'y a pas de portes sur les côtés !) permet de faire un premier tour d'horizon de Delhi. Voici d'ailleurs à quoi ressemble l'horizon vu de l'intérieur du rickshaw. Quand on se balade sur le trottoir - en prenant garde à ne pas tomber dans les multiples trous et à ne pas buter sur des dalles dessellées ou sur des tas de cailloux fort inattendus, on est sollicité toutes les deux minutes par les rickshaws qui proposent leurs services pour des distances parfois très courtes. Ca a son côté sympa et enjoué, mais parfois un peu agaçant car ils sont vraiment très insistants et parfois largement arnaqueurs. Never mind. Comme beaucoup de choses en Inde, il faut s'adapter, et tout de suite après on voit les bons côtés.

Quelques photos de ce premier trip en rickshaw (avec parfois le flou artistique dû à la vitesse inattendue de ce bidule !)