Et maintenant, je suis ici :

lundi 31 mai 2010

Népal (4) De Kathmandou à Tansen

Comme prévu le jour du départ de Pokhara le réveil est douloureux - la journée des escaliers restera dans les mémoires et dans les corps comme un jour maudit. Heureusement donc que nous avons le confort d'un tourist bus pour aller jusqu'à Kathmandou ! Car nous voulons quand même voir la capitale plus en détails avant de crapahuter vers la frontière sud. Tous les bus touristiques entre Pokhara et Kathmandou partent du même endroit, d'où une organisation millimétrée et terrifiante : à peine sorties du taxi, un homme nous prend nos bagages, nous indique notre bus, nous fait asseoir à une table déjà occupée par un vieil Américain et un jeune Australien plus que stéréotypé (blond, bronzé, musclé, enthousiaste) et nous recommande un croissant au beurre. J'opte pour un croissant qui se révèle avoir un goût de beignet, pas désagréable... Pendant ce temps les deux hommes conversent avec leur accent réservé aux initiés. Pour ce que j'en saisis, c'est assez bizarre après un an passé en Inde d'entendre quelqu'un en parler en des termes aussi négatifs : "dirty, unwelcoming and cheating people, overcrowded". Et ce même si ces termes sonnent juste. "Some people never have enough of India". I guess I'm one of them. Durant le voyage je m'émerveille encore de la façon de conduire du chauffeur du bus, quand même assez hasardeuse - à chaque fois que j'ouvre les yeux le bus semble prêt à basculer d'une falaise, serrant le bas-côté pour laisser passer un véhicule dans l'autre sens. En contrebas les gorges profondes enserrent la rivière couleur caramel sur laquelle nous avons fait du rafting. La pause déjeûner nous donne l'occasion de goûter au daal bhat, spécialité népalaise, pas vraiment spécifique quand on connaît le thali indien, finalement. Le retour à Kathmandou s'avère plus compliqué que prévu puisque nous nous retrouvons dans une partie peu accueillante du ghetto touristique, où les chambres sont chères, sombres et peu négociables. La fin de la journée est sous le signe du shopping (il faut bien). Mon coup de cœur : les larges châles (on flirte avec la taille d'une couverture, d'ailleurs !) en laine de yak aux couleurs vives. Coup de cœur second : un pendentif en argent inspiré d'un mandala tibétain, que je négocie longuement, échoue à faire baisser à mon prix, puis reviens chercher après être sortie fièrement du magasin devant l'obstination du marchand - ce qui est contraire à la Charte de l'Excellence en Négociation à laquelle je suis fidèle depuis un an, bordel ! Bibelots divers, statues de dieux, tissus et laines, bijoux, mandalas peints à la main, rouleaux de prière, et j'en passe (et mon budget je dépasse !), s'entassent dans les rues étroites de Thamel. Ces mêmes rues deviennent extrêmement glauques après la fermeture des magasins, à peine après 19h. Le bourdonnement des négociations et la clameur de l'appel des rabatteurs s'éteignent brusquement, trouver à manger pour pas cher dans l'obscurité sale et oppressante devient une gageure, et le susurrement "marijuana" se fait entendre partout tandis qu'on voit des Blancs s'enivrer dans des bars mal éclairés. Nous finissons par dégotter des momos, quelques saucisses et du Coca et nous réfugions dans notre chambre d'hôtel - assez pour ce soir.

Reprise des hostilités touristiques le lendemain pour se remonter le moral. Direction Patan, théoriquement ville indépendante de Kathmandou mais en fait sorte de banlieue au passé historique glorieux : ville d'artisanat, ancienne capitale de rois, et si j'en crois Wikipédia, "grand centre d'enseignement bouddhique, comme en témoignent les nombreux monastères éparpillés dans la ville. Ce serait la ville bouddhique la plus ancienne d'Asie". Nous ne prenons pas le temps de revisiter les vestiges de ces siècles d'histoire mais nous concentrons sur Durbar Square, grand ensemble de temples dédiés entre autres à Vishnou.

La place est immense et encombrée de temples, de statues, d'un musée, mais le temps présent y grouille lui aussi, avec ses vitrines d'artisans, ses passants affairés - ou non, ses guides à l'empressement nauséabond. "Hey girls, do you need a guide ? - No we don't, thank you anyway ! - But yes you need a guide ! - Er... No, thanks. - I will be your guide, not expensive, follow me. - Still not. - Come on girls, what do you think ? That we have never seen beautiful girls like you ?" Je ne cherche pas à comprendre... Le seul guide dont nous acceptons les services est un gamin à l'air savant juché sur une bicyclette trop grande pour lui et qui nous détaille l'intérieur d'un temple. L'architecture de la place, conçue comme une immense conque, symbole de Vishnou, enserre de multiples monuments séparés par des cours et un bassin très ornementé où un attroupement serré recueille de l'eau dans des cruches comme on cueille une fleur rare. Le palais transformé en musée est lui aussi une merveille d'architecture, et bien conservée avec ça, là est la grande différence avec beaucoup de monuments indiens. A tel point que nous décidons de faire une entorse de plus à notre budget et de nous payer la visite du musée. Sculptures bouddhistes et hindoues correspondant à différentes périodes et à différentes techniques s'entassent dans des enfilades de pièces subtilement éclairées ; les artisans de Patan brillaient et brillent toujours apparemment pour leur maîtrise unique du repoussé (technique détaillée ici http://en.wikipedia.org/wiki/Repouss%C3%A9_and_chasing). Meilleur souvenir de cet excellent musée ? Le détail des explications sur les différents mudrâ, positions symboliques des mains dans les religions hindoue et bouddhiste, et la finesse de ces mêmes mains dans toutes les statues.

Ma dernière tâche à accomplir à Kathmandou ou plutôt Thamel-le-ghetto, c'est l'achat d'une laine de YAK et d'un couvre-lit avec un motif de mandala, deux articles convoités par moi-même depuis le début du voyage. Mais comme je sais exactement ce que je veux, jamais une couleur ne me plaît vraiment et cette chasse s'éternise au grand dam de Marine. Finalement je finis par demander à accéder à la réserve d'un des marchands pour voir TOUTES les couleurs qu'il possède. Des centaines d'étoffes s'entassent dans cet endroit confiné où je finis par trouver mon (mes) bonheur(s) ; mais vient le moment de la négociation. "1800 roupies. - What ?! - Yeah, good price for two articles. - Are you kidding me ? Anyway I'm a good customer and maybe the last one for today, you should give me a better price ! - That's my price. - 1000 roupies. - No. - 1000 roupies. - Hmrfff... 1600 roupies. - 1100 roupies. - 1500 roupies last price. - Too expensive ! - Ok 1400 roupies and you win a daal bhat ! - I don't want daal bhat I will have that tonight in my hotel. 1100 roupies". Et ainsi de suite jusqu'à : "Ok 1200 roupies and you win a tchai. But you lose daal bhat". C'est ainsi que nous nous retrouvâmes à la fermeture du magasin à boire le thé avec toute la famille du marchand.

Le lendemain s'annonçait nettement plus aventureux - non pas que des négociations ne le soient pas, mais je commence à être rôdée, héhé. Et en effet. Nous nous sommes mis en tête de nous rendre à Daman, un village perché à plus de 2300m d'altitude, dont la seule route est le dangereux Tribhuvan Highway, dans l'espoir d'apercevoir la "dramatic view" de l'Himalaya certifiée par les guides touristiques et tous les habitants. Il paraîtrait qu'il s'agit de la plus belle vue de tout le Népal sur les montagnes. Alléchant. Mais dans ce cas, pourquoi si peu de touristes s'y rendent-ils ? La réponse ne va pas tarder à arriver. Au départ de Kathmandou déjà, difficile de trouver un bus local pour se rendre à Naubise, un trou paumé faisant office de point de liaison entre quelques lignes de bus. Nous finissons par en trouver un malgré les multiples "Pas de bus aujourd'hui", "Sais pas", "Où ça ?", "Par là !", "Non par là !". "On veut aller à Naubiseeeee !". Quelqu'un finit par comprendre et nous emmène vers un minibus déjà bondé et couronné de multiples valises, paquets et cages de poulets. Le chauffeur fait déplacer deux personnes pour nous permettre de nous asseoir (pratique pour se faire apprécier... Mais ça n'a même pas l'air de les déranger et nos remerciements gênés paraissent même de trop). Nous nous installons, feuilletons le guide, échangeons des idées, nous rendons compte après quelque temps que ces coups secs, répétés et légèrement douloureux sur nos chevilles sont imputables au bec d'oies cachées sous nos sièges. Après une grosse heure de trajet on nous jette avec armes et bagages à Naubise. Quelques âmes, trois marchands de fruits, une gargote, des arrêts de bus. C'est tout. On attend. On attend. On attend. Il n'y aura pas de bus pour Daman aujourd'hui, je crois. Le monsieur attablé devant un tchai meurt d'envie de nous taper la causette, ce qu'il finit par faire quand il voit que notre attente est bien partie pour durer. Un petit jeune le rejoint et tombe amoureux de nous deux à la fois si on en croit ses regards émerveillés et son air béat quand nous parlons de l'Inde, de la France, de nos voyages. Nous tâtons le terrain auprès des quelques êtres humains du quartier et finissons par comprendre qu'il ne faut pas compter sur un bus avant au moins plusieurs heures. Dernière option : attraper un camion au vol. Ce que la tchai-walla fait pour nous, négociant même notre contribution financière. C'est parti donc pour la grande aventure dans ce monstre multicolore et vrombissant qui s'élance d'un seul coup vers les cimes : Naubise, c'est la bifurcation pour Tribhuvan Highway qui serpente dans les montagnes. Dans l'envers du décor, il est plus facile de comprendre pourquoi on dit que l'on a 20 fois plus de chances de mourir sur la route au Népal que dans n'importe quel pays développé : la route est étroite comme un couloir, les camions sont hors normes, les croisements sont extrêmement difficiles voire impossibles - il faut presque toujours que l'un des deux véhicules effectue une périlleuse marche arrière. Le chauffeur a l'œil rivé sur la route devant lui et surveille le bas-côté qui est toujours trop près et trop abrupt à mon goût ; un deuxième homme est assis à gauche de la cabine et est aussi vigilent que lui. Je finis par comprendre qu'il est en fait essentiel à la conduite en montagne, c'est lui qui surveille les virages dangereux, qui indique les différents obstacles, et surtout qui détermine si un dépassement est possible ou non. Il fait aussi signe à d'autres véhicules plus rapides que lui et souhaitant le dépasser quand la voie est libre. Comme quoi là où il n'y a pas de code de la route écrit un certain sens de la survie conduit à des attitudes de vrai bon sens. Bon, et puis la route, elle est dangereuse, mais qu'est-ce que c'est beau là-haut...

L'arrivée à Daman se fait après bien 5h de bringuebalage montagnard. Daman n'est en effet pas plus qu'un village, un petit hameau perdu à 2322m d'altitude avec un promontoire d'observation sur l'Himalaya, et avec la fraîcheur qui va avec une telle altitude. Nous créchons pour la nuit dans une grange plus que rustique, avec deux chambres à l'étage. Nous n'en occupons qu'une seule, avec un grand lit tenant à lui seul plus de la moitié de la pièce exiguë fermée par des planches humides et mal ajustées, mais attenant à un mignon balcon où nous étalons nos édredons pour profiter de la fraîcheur du soir - enveloppée dans mon yak tout neuf, dans mon cas. Bientôt la pluie battante nous empêche même de sortir pour un petit tour du village. Pas d'eau courante, toilettes rudimentaires dans le jardin, mais de l'électricité quand même. Les repas se prennent dans une autre bâtisse un peu plus haut dans le village, daal bhat à volonté servi par une dame râblée et charmante. Pour ce qui est de la vue incroyable sur les montagnes, pour tout dire, c'est totalement raté : les montagnes sont noyées dans les nuages de mousson au point qu'on n'aperçoit que les premières collines en contrebas. Alors le voyage aura compté plus que la destination...

Nous devrions être déçues d'avoir fait tant de chemin, et un chemin si difficile qui plus est, pour seulement apercevoir des nuages de mousson. Mais nous ne le sommes pas. Sans doute pour l'expérience unique de voyager en camion suspendu dans les montagnes et de revenir aux charmes de la vie rustique pour une nuit. C'est le lendemain que les choses sont plus pénibles, quand il faut redescendre en poursuivant Tribhuvan Highway par l'ouest, vers Tansen, en passant par Hetauda et Butwal, effroyables villes-relais aggressives et bruyantes. A Hetauda, nous sommes coincées pendant des heures pour attendre notre correspondance, dans la chaleur retrouvée du Teraï. A Butwal, trop retardées, nous sommes contraintes de passer la nuit. Une arrivée en pleine nuit dans une ville étrangère n'est jamais une expérience rassurante. Mais à Butwal, ça s'approche du cauchemar étouffant. Troupeau insistant de rabatteurs à la sortie du bus ; poids des sacs à dos après des heures de voyage ; longueur de la route encombrée même la nuit qui longe les hôtels aux pancartes criardes mais aux chambres manifestement vides ; hôtels aux portes déjà cadenassées pour la nuit ; chambres sales, sombres, confinées ; prix élevés ; pas une femme, des hommes, tous ces hommes, et leurs regards ; les cafards dans la salle de bains ; la nourriture épouvantable, et la coupure d'électricité pendant le repas, et les regards entendus qui pèsent sur nous. Nous partons le lendemain sans demander notre reste, ou plutôt en demandant l'horaire du premier bus pour Tansen, que par le plus heureux des hasards nous attrapons au vol à peine sorties de l'hôtel. On dirait bien que tout nous incite à quitter Butwal ! Direction Tansen donc, ville qui ne va pas tarder à devenir mon endroit préféré au Népal.

jeudi 27 mai 2010

Népal (3) Pokhara पोखरा

La fameuse ville de Pokhara, destination touristique par excellence du Népal. Autant dire que notre voeu sacré de ne pas dépenser d'argent inutile avant le retour à Kathmandou est mis à dure épreuve. Mais nous résisterons - et devrions être intronisées pour ça. Le premier jour à Pokhara est loin d'être passionnant puisqu'il est occupé par une belle grasse matinée (ah bah oui, la jungle, ça fatigue), un long déjeûner flemmard sur les bords de Phewa Tal et... un remaniement radical et laborieux de tous nos plans pour cause budgétaire. Nous décidons, après force discussions avec Marine, de ne pas prendre l'avion à Kathmandou pour rentrer, mais de quitter le Népal par la terre. Avec tous les problèmes d'annulation, de nouvelles réservations, de difficiles contacts par téléphone, de conseils contradictoires, établir notre nouvel itinéraire prend des heures, a fortiori toute la journée. Point culminant de la journée : un moment à buller comme des larves à All that jazz, un café jazz spécial touristes, à déguster des momos...

Le programme du lendemain par conséquent n'a pas beaucoup de mal à être nettement plus intéressant. Il paraît que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt (quand il le faut). Du coup aujourd'hui au moins le Népal nous appartient, avec un réveil à 4h. Le taxi réservé la veille pour partir à 4h30 n'apparaît pas, malchance courue d'avance, mais nous sautons dans le premier taxi venu, coup de chance imprévu. Le but de notre expédition matinale est le lever de soleil depuis Sarangkot, colline dominant Phewa Tal. Malgré l'heure très matinale et l'atmosphère encore d'un bleu sombre aux particules éparses, de nombreux Népalais sont déjà levés et grimpent la colline. "Les Népalais sont sportifs !" De nombreuses femmes, seules ou en petits groupes, enveloppées dans des châles, avancent d'un pas très assuré, leurs mollets durs et saillants se devinent sous leurs jupons colorés, souvent rouges, quand elles marchent. Sarangkot, as expected, est très touristique. En effet visites "hors des sentiers battus" du Lonely Planet ne le restent pas longtemps ! La tête de la colline, dégagée de la végétation, est un point d'observation ouvert à 360°, parasité par quelques dhabas et étalages d'objets artisanaux accrochés comme des moules sur un rocher. De ce promontoire, on peut confirmer que la relief de Pokhara est unique et vertigineux : nulle part ailleurs on ne peut admirer des dénivelés aussi impressionnants, entre même pas 1000m et les sommets les plus hauts de l'Annapurna. Le lever de soleil se fait attendre, mais sait ménager son entrée en se reflétant d'abord subtilement sur les sommets. Un couple de jeunes mariés indiens, dont l'allure et l'attitude prouvent autant qu'ils se sont mariés par amour qu'ils viennent d'un milieu aisé, se tient enlacé en haut du promontoire et entretient un air de parfaite béatitude. Dans la vallée courent des rivières longeant des villages encore perdus dans une lumière incertaine ; au sud s'étend la forme calme et majestueuse du lac, très en contrebas de la montagne. Lorsque le soleil apparaît enfin, la lumière pleut subitement sur les cimes et les vallées, noyant les villages, les rivières, les gens.

A quel point la pente est raide pour aller jusqu'au lac depuis Sarangkot, on ne le comprend qu'en descendant le chemin abrupt qui la plupart du temps ressemble davantage à un escalier pour géants. Après une heure de descente les jambes commencent à être flageolantes, le cœur mal accroché. Pendant un moment de faiblesse, un Népalais maigre mais robuste nous dépasse à toute allure. "Mais comment fait-il ?" Nous finissons par comprendre le truc des indigènes qui galopent à travers la montagne tous les jours que leurs dieux font : de grandes enjambées, toniques, en appuyant chaque pas sur des cailloux plats saillant sur le chemin. Il ne faut quand même pas avoir froid aux yeux quand la pente est raide comme le Titanic avant de couler. Le chemin fait de temps à autre des coudes qui permettent de dominer un large panorama incluant de larges terrasses agricoles éclairées de biais par le soleil encore bas, et le lac aux reflets violets. Rocailles, maisons carrées ocres accrochées à la pente, aux cours peuplées de chèvres et de buffles. Les habitants profitent de leur temps libre pour s'asseoir sur les marches de leur maison, sous les avancées de toit, fument des bidis, crient des "Namaste" sur notre passage. Soudain la pente devient douce et le lac apparaît.

Retour à la civilisation donc et dénichage de taxi pour filer dans Old Pokhara - il s'agit de rattraper le temps perdu la veille ! Cette fois les conseils du Lonely Planet nous font vraiment atterrir loin des coins perclus de touristes. Ici le temps semble s'être arrêté, avec de vieilles échoppes de récipients en métal, de paniers, de bijoux en or. Sur les bâtiments anciens, les pourtours de fenêtres sont sculptés, dentelles de bois qui doivent filtrer la lumière de l'intérieur. Ce type de sculpture est aussi présent sur le fronton de petits temples perdus dans les ruelles, tantôt hindous (mais on n'a pas le droit d'entrer si on n'est pas hindou) tantôt bouddhistes (bienvenue chez nous). Pendant que je prends des gros-plans de bas-reliefs, Marine a la bonne idée de disparaître ; s'ensuit une poursuite-enquête-interrogatoire à travers les rues de Pokhara. "Non, on l'a pas vue". "Hahahaha vous avez perdu votre copine ?" "Une Blanche comme vous ?". Jusqu'à ce que je la trouve sur une place de marché où elle essayait de trouver un chargeur pour son portable éteint depuis le début du voyage. "Ah mais je croyais que tu me suivais ! - Bah nan".

L'après-midi se poursuit avec un trek à cheval. Pas question en effet de se reposer : vous vous rappelez que le Népal nous appartient ? Un trek à cheval, c'est-à-dire une balade dans les montagnes en poney, accompagnées par un guide de 13 ans, à pieds et armé d'un bâton pour faire avancer les poneys. Qui n'obéissent du coup à aucun autre ordre, malgré mes efforts autoritaires. La première partie du trek me semble peu agréable, car il faut d'abord sortir de la ville, en galérant sur le bitume, en devant répondre aux innombrables "Namaste" des enfants et ignorer les moqueries des adolescents en bus ou en voiture (être Blanche signifie déjà être une attraction en soi, alors être une Blanche à cheval...), les chevaux effrayés par les bruits métalliques mais étonnamment peu réceptifs à la masse des coups de klaxon - les animaux évoluent en s'adaptant à leur milieu naturel. Partie désagréable qui dure d'autant plus longtemps que le guide se rend compte après plus d'une demi-heure de route qu'il ne nous emmène pas dans la bonne direction. Une fois la ville et la route quittée, la balade vaut beaucoup plus nettement le coup, avec un chemin abrupt serpentant à travers les terrasses et les petits hameaux. Au bout d'une langue de terre s'interrompant de façon extrêmement brusque au-dessus des terrasses trône un grand margousier à l'ombre duquel se serre une famille entière. Notre petit guide gère les croisements difficiles sur le chemin avec quelques jeeps, tout en nous exposant son désir de migrer pour l'Australie et y devenir docteur... Le but ultime du voyage, World Peace Pakoda, une stupa blanche de proportions régulières trônant en haut d'encore un de ces escaliers typiques-de-l'ascension-spirituelle-bouddhiste. C'est décidément la journée des escaliers. Je HAIS les escaliers.

Le retour paraît plus court mais la portion bitume tout aussi désagréable. L'équation-résumé de la journée, c'est grands escaliers multiples + trek à cheval = très très mal partout. Nous marchons au ralenti et les jambes arquées comme Henry Fonda jusqu'à un restaurant proposant un spectacle de folk dances manquant finalement singulièrement d'enthousiasme. Enthousiasme retrouvé par la suite devant un steak de buffle et une tarte au citron meringuée - ça peut avoir du bon d'être de vraies simples touristes pour une fois. Extinction très tôt après ça, je ne m'étais pas couchée si tôt depuis la veille de ma rentrée en 2nde.

mardi 25 mai 2010

Népal (2) Chitwan National Park

Quittons maintenant la ville, les temples, et aussi la fraîcheur. Ce fameux Chitwan National Park se situe dans le Teraï, et juste un petit rappel rien que pour rire :

Le Teraï, c'est là où c'est vert, donc plat. Vraiment plat. En jaune, c'est les collines. En marron, ça commence à être haut. Et en blanc, très haut, trop haut d'ailleurs, on n'ira pas (mais la prochaine fois je serai une trekkeuse surentraînée et j'irai). En gros, de Kathmandou à Chitwan on passe sans transition de la moyenne montagne à la plaine aride, et on se prend dix-quinze degrés de plus dans la figure.

Quitter Kathmandou d'ailleurs est une grande aventure. Il s'agit d'abord de traverser la métropole encombrée, polluée et anarchique. Et ensuite, on se retrouve en dehors de l'agglomération d'un seul coup, en faisant un saut dans la végétation mais surtout un plongeon depuis des hauteurs vertigineuses : on domine des falaises, des pentes très inclinées où la rocaille n'est pas apparente. Tout est très vert même si la végétation est variée, d'une forêt de sapins aux senteurs fraîches et salées à une jungle équatoriale et humide en seulement cinq heures de bus. La route serpente dangereusement à flanc de montagne, on dépasse souvent des véhicules accidentés, le bus est parfois en roue libre juste avant un virage en coude, et les paysages de cultures en terrasses et les maisons à étages empilés rythment le voyage.

A l'arrivée à Chitwan, une bonne dizaine de rabatteurs d'hôtels attendent comme des vautours, et nous nous félicitons pour une fois de voyager en package organisé et de leur échapper. Le trajet jusqu'au cottage se fait dans une jeep des plus antiques, sur des chemins non goudronnés à travers des villages aux nombreux toits de paille. L'impression que les Népalais sont plus accueillants que les Indiens commence à sérieusement se confirmer, et notre chambre se révèle propre et confortable. Une visite dans un village Tharu est organisée, intéressante même si les connaissances historiques de notre guide sont à vérifier (lui, ça ne le choquerait peut-être pas d'entendre que Mumtaz Mahal est morte dans un accident de voiture - référence), surtout sur les raisons de la migration de cette population d'Inde, mais il en sait long sur la faune et la flore. Vient le moment émouvant de notre première rencontre avec les éléphants que nous allons bientôt monter - il paraît qu'il faut y aller progressivement.

La rivière qui marque l'entrée de Chitwan National Park n'est pas loin, nous poursuivons donc à pieds jusqu' ce qu'une grosse goutte, chargée d'électricité il semblerait, tombe sur mon épaule, annonciatrice de l'énorme déluge qui s'abat quelques secondes plus tard. Les touristes s'enfuient en jeep ou se réfugient sous les abris de paille qui sont loin d'être une grande consolation face à ce vent et cette grêle. L'humeur se fait électrique elle aussi, surexcitée. Les flaques d'eau montent de plusieurs centimètres en quelques minutes, le rideau de pluie devient impénétrable, le vert de la végétation devient flou, puis le déluge s'enfuit quelques minutes et nous profitons de l'éclaircie pour nous précipiter vers l'hôtel, pieds nus dans les flaques et les ruisseaux de boue.

Le lendemain le réveil est dur à 6h du matin, au point que nous nous taillons déjà une solide réputation de retardataires. Notre petit groupe part à pieds jusqu'à la rivière où nous prenons place sur une longue barque effilée rappelant les shikaras cachemiris. Dans le jour encore clair, la plaine du Teraï, si plate que cela semble surnaturel, s'étire dans un dégradé de vert jusqu'aux montagnes dans leur lissé bleu sombre. Le but affiché de l'expédition est d'observer la faune de la rivière, et les races d'oiseaux sont multiples et leurs noms oubliables, sauf peut-être le Marabou, oiseau soi-disant extrêmement rare mais aperçu plusieurs fois pendant la journée. Beaucoup de martins-pêcheurs aussi, dont le plongeon énergique froisse tout à coup la surface lisse de la rivière. Cet immense espace plat comme un carrom fait que le moindre relief apparaît comme un défaut, et que le moindre signe de vie, animal ou humain, est un message qui résonne dans ce monde vert et bleu.

Soudain le guide nous indique deux petits triangles sombres qui dépassent de la surface de l'eau et nous enjoint le silence. Nous finissons par réaliser qu'il s'agit des yeux d'un crocodile... "This one is not eating French breakfast !", merci, contentes de le savoir... Après la rencontre du gentil crocodile mangeur de poisson, le gavial (en voix d'extinction selon Wiki-bible), nous poursuivons avec une marche d'une heure à travers la jungle. Nous n'apercevons pas d'autres animaux, mais le passage d'une végétation à l'autre est suffisamment fascinant en lui-même, comme le passage d'une végétation luxuriante, aux arbres hauts, tordus et garnis de lianes, abritant de multiples termitières, à une soudaine clairière à l'herbe rase et à la lumière féérique, encadrée par des arbres fins mais hauts comme des cathédrales.

Après cela c'est l'heure du elephant bathing, sport local sans doute si on en juge par la description de la chose : il s'agit de grimper tout habillé sur le dos de l'éléphant trônant au milieu de la rivière et de jouer avec lui pour rendre ludique l'heure du bain, à grand renfort de basculements inopinés dans l'eau et d'arrosages par trompe. Comme sur le logo d'Eléphant Bleu en France. Et puis ça permet de briser la glace.

Car c'est ensuite le moment du fameux safari à dos d'éléphant. Pour monter dessus, pas grand effort, on passe par une rampe comme un maharaja fainéant, et je jalouse violemment le driver qui grimpe sur la tête de l'éléphant en passant par la trompe. Nous sommes quatre plus le driver sur l'éléphant, autant dire que le confort est limité - finalement je plains le maharaja obligé de parader des heures sur ce perchoir. Nous traversons la rivière où jouent des enfants du village, et pénétrons dans la réserve dans la lumière de la fin d'après-midi. Après seulement quelques minutes, un paon à la roue bleu roi se plante sur notre chemin ; le silence est total à part le pas lourd des éléphants sur le tapis de feuilles plus larges que la main ; une biche s'élance, et plus loin un troupeau entier de cerfs. Un mouvement presque irréel car seulement entraperçu, mais qui laisse dans le coeur une empreinte à la fois lourde et aérienne. Sentiment d'être privilégié. Lorsqu'un rhinocéros est aperçu par le driver, l'observation se transforme presque en chasse pour entourer l'animal d'éléphants chargés de touristes. L'éléphant est le pire ennemi du rhinocéros, rappelez-vous Babar et Rataxès. Pas de tigre donc, la chance n'a pas été de notre côté, mais de celui de quelqu'un d'autre le matin même, peu après l'aube.

Le troisième jour est celui du départ avec néanmoins une petite gâterie au passage, une descente en rafting. Nous partons tôt en bus local pour nous rendre au point de départ. Cette première expérience de bus local est d'abord rafraîchissante, loin du confort aseptisé (mais relatif quand même) des bus pour touristes : décoration de guirlandes fantasques et colorées oscillant au rythme des ornières et des virages en coude, pas un seul touriste, musique népalaise ou Bollywood. Cependant la réjouissance est courte : après seulement quelques minutes chaotiques le bus s'arrête sur le bas-côté. Pneu crevé. Il nous faudra peu de temps pour comprendre que dans ce type de routes et de relief alliés à un matériel quelque peu archaïque ce genre d'incident est plus que commun. Voilà pourquoi nous étions les seules à être surprises voire incommodées, hein. "Five minutes waiting", ce sera bien plus bien sûr, et pourtant pour une raison inconnue je n'ai pas le réflexe de sortir me dégourdir les jambes et je préfère en profiter pour écrire un peu, écrasée par le siège de devant et calée par mon backpack. Après au moins une heure d'attente et de réparations observées de près par Marine armée de son appareil de photo devant une fenêtre du bus - elle fut ainsi le témoin privilégié du transport d'un phacochère dans un sac à dos, nous voilà repartis. Comme toujours le trajet est chaotique d'autant plus que le chauffeur semble vouloir rattraper son retard. Peine perdue d'ailleurs, mais qu'importe nous devons de toute façon attendre deux heures de plus sur place, deux Anglaises arrivent encore plus en retard que nous, sûrement au moins deux crevaisons.

Le bateau de rafting nous attend sagement en contrebas au bout d'un chemin rocailleux qui rejoint le torrent. Pendant qu'un couple d'Indiens de Chandigarh enfile laborieusement un gilet de sauvetage, par-dessus la kurta blanche pour Monsieur et par-dessus l'ensemble kamiz pour Madame à l'enthousiasme débordant, viennent les recommandations d'usage, dont la plus mémorable reste "If you fall in the water, don't grab the Sandeep otherwise Sandeep is swimming too" (Sandeep étant le petit gars en kayak chargé de ramer à la rescousse d'éventuels naufragés). Les rapides se font attendre mais l'enthousiasme pour le paysage est lui immédiat. La rivière exhibe une belle couleur "caramel" (dixit Marine et elle est près de la vérité) et serpente entre les flancs de montagne dans leur habituel dégradé bleu et vert. Parfois une langue de route chargée de camions bariolés, enguirlandés et bruyant apparaît dans un virage dégagé en hauteur ; des quinconces de maisons étagées se bousculent jusqu'au bord des falaises ; des escaliers taillés dans la roche coulent jusqu'aux berges d'un blanc sablonneux. La descente de presque deux heures fait s'alterner eau à peine ridée et rapides écumants. Madame de Chandigarh a tendance à systématiquement ramer dans le sens inverse tout en réprimandant les autres, tandis que Monsieur de Chandigarh est trop occupé à s'exclamer "Kitna maaza lag raha hai !" (c'est vraiment trop fun !) pour ramer efficacement. Quand le courant le permet, je suis toujours la première à basculer en arrière pour nager un peu. J'aime la sensation de flotter sans effort à la surface d'un courant autoritaire. Monsieur de Chandigarh aussi, d'ailleurs sous l'eau il a un peu les mains baladeuses. Un rapide plus important que les autres finit par le faire tomber, juste punition - mais il ne tombe qu'à l'intérieur du bateau, dommage. Régulièrement, de longs et fins ponts de corde s'étirent d'un côté de la rivière à l'autre, suspendus dans les airs, presque irréels de fragilité, et sont traversées par des femmes chargées de lourds paniers remplis de branchages ou de rocailles et dont le poids est supporté par le front. "Paddle High Five", tel est le rituel qui s'installe après que chaque rapide a été vaincu...

Après la fin du rafting, le séchage et le pique-nique, le rafting-chef chercher à nous refourguer à un bus local - après tout, on nous a promis de nous faire amener à Pokhara. Après une heure on y réussit enfin. Pas de crevaison cette fois, une change, mais toujours les mêmes hauteurs retrouvées après le Teraï et les mêmes soucis de circulation. A Pokhara, ville touristique par excellence, j'ai du mal à garder mon sang-froid devant tous ces rabatteurs d'hôtel qui nous harcèlent. Nous finissons par trouver une mignonne chambre dans une guesthouse, non loin de la rue "à tentations" remplies de la gamme d'articles à acheter au Népal, et non loin d'un restaurant aux lanternes de papier où nous dégustons un steak de buffle. Ça vaut bien le bœuf, et ça évite les deux ans de prison prévus pour le meurtre d'une vache...

samedi 22 mai 2010

Népal (1) Kathmandou काठमांडौ

Après un moment fabuleux à se reposer dans la fraîcheur humide de Kathmandou, décision est prise d'aller visiter un peu la ville. Au passage, réservation d'un package de trois jours pour aller au Parc National de Chitwan - l'organisation, c'est rassurant, je le découvre. Il s'agira de safari à dos d'éléphant, de marche dans la jungle, de repérage d'oiseaux depuis un bateau sur la rivière, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous décidons de nous promener à pieds dans la ville, malgré les sollicitations permanentes et fort bruyantes des chauffeurs de taxi. Au passage, j'ai essayé d'acheter un paquet de mouchoirs que le vendeur édenté voulait me faire payer 500 roupies, alors j'ai renoncé : la mauvaise nouvelle c'est que les prix sont plus élevés qu'en Inde, surtout quand on est touriste. La bonne nouvelle, c'est que beaucoup de Népalais parlent (bien) anglais, et que je peux même souvent me débrouiller en hindi, le népalais étant une langue assez largement similaire, même si sa prononciation bien plus rétroflexe et labiale la fait ressembler au Chinois. Et moi je trouve ça cocasse.

La balade nous mène, presque ignorées par les Népalais qui ont l'extrême bon goût de ne pas nous dévisager ni nous suivre ni nous harceler ni nous interroger (si !), vers les collines hautes de Kathmandou. Appareil photo vissé sur le nez, Lonely Planet sous le bras, lancées au trot, visite d'abord d'Indrani Temple, un petit temple hindou sur le bord de la rivière, dont l'atmosphère intime est bercée par les cris des enfants jouant au milieu des chèvres et des chiens. En dessous on devine les ghats rituels longés par la rivière à la couleur disons... chocolatée.

La colline que nous continuons à escalader est comme saupoudrée de temples (t'as mis trop de sucre chéri !) : suit Bijeshwari Temple, à la cour intérieure encombrée de statues de roche sombre. Un panier retourné se balade tout seul, jusqu'à ce que des pieds d'enfants finissent par dépasser. Flammes rouges des bougies contre bronze d'autres statues. Une chèvre lèche le visage d'une statue de Shiva comme dans un geste de dévotion...

Mais le vrai but de l'ascension est le célèbre (du moins selon les critères de Piyush) Swayambhunath Temple, où nous avons la bonne idée d'arriver au moment où tout le monde en sort. Mais Marine dit que c'est tant mieux. Le premier portique se situe dans la ville elle-même, mais l'escalier s'échappe en courant dans la colline, débouchant au loin sur une architecture à trois dômes éclairés de façon assez futuriste vus d'en bas. L'ascension commence, rendue de plus en plus difficile par une idée démoniaque, celle de faire des marches de plus en plus étroites et raides, sous la voûte d'arbres sombres peuplés par les singes, entre les multiples statues religieuses, Bouddhas d'abord, puis lingams lingams et lingams, puis chevaux, paons, éléphants. L'ascension - spirituelle bien sûr - est récompensée par une splendide vue nocturne de Kathmandou, étincelante de rares lumières blanches qui luit donnent un halo argenté à travers la plaine et les collines, jusqu'aux murailles des montagnes, tandis que le temple est plongé dans un clair-obscur fascinant, les trois dômes recueillant à eux seuls toute la lumière, le reste étant plongé dans une atmosphère vouée au divin. Les bougies et les minuscules lampes à huile vacillent sous le vent et sous les chants de prière accompagnés par un harmonium. Des moines bouddhistes glissent au long du "jardin" de statues et des représentations divines des quatre éléments. Lorsqu'après un moment d'une longueur digne du prestige de l'endroit, nous redescendons l'immense escalier sombre et désert, ce n'est qu'avec prudence, accrochées à la rampe et éclairées par la torche de mon portable indien. Les statues se révèlent tour à tour paisibles et inquiétantes sous le faisceau hésitant de la torche...

Après que nous dépassons le dernier portique, la traversée de la ville jusqu'à l'hôtel prend encore une heure dans les ruelles privées d'électricité. Mais la vie continue, dans les échoppes on se regroupe autour d'une unique bougie, des rirent fusent, les "namaste" sont toujours aussi enthousiastes. J'arrive complètement éreintée, Marine s'endort tout habillée couchée en travers sur son appareil photo. J'écris un peu puis je m'endors sans avoir mangé, savourant le confort d'un vrai lit, pas expérimenté depuis cinq mois, et la douceur de draps sur ma peau, pas expérimentée depuis deux mois.