Et maintenant, je suis ici :

mercredi 11 août 2010

ਅੰਮ੍ਰਿਤਸਰ (Amritsar) - 30-31 octobre 2009

J'ai enfin terminé de mettre à jour mon blog pour ce qui est du voyage au Népal, mais la vérité, c'est que je suis bien plus en retard que j'en avais l'air. A l'instar des stars du rock qui vendent plus de disques mortes que vivantes, j'écris plus sur l'Inde une fois rentrée en France. Bref. Le retard en question, il est de... 10 mois. Il date de la visite de Tomek et Robin et de notre petite virée commune à Amritsar fin octobre. A ma décharge, c'était juste après ma rencontre avec Piyush et juste avant mes exams et mon départ pour la Nouvelle-Zélande.

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Pour une nouvelle échappée de Delhi, nous mettons sur pied une virée à Amritsar avec un groupe de compagnons inédits, Tomek et Robin, nos visiteurs inénarrables aux mésaventures si répétitives qu'on les soupçonne d'être provoquées, Anne co-JNUieuse, sa coloc, Marine et moi. Encore une fois nous partons trop tard de Panchsheel pour aller à la gare de Nizamuddin, d'où un stress conséquent dans les embouteillages et une belle montée d'adrénaline pour arriver sur le quai tout essoufflés... avant de réaliser que le train nous attend sagement, en retard. Nous repérons nos places puis Marine et moi descendons pour acheter quelques provisions (le voyage s'annonce long) et... voyons le train s'éloigner tandis que nous sommes toujours le quai. Nouvelle montée d'adrénaline et course interrompue par la chute du portable de Marine et le ramassage express de ses pièces détachées sur le quai, et finalement rattrapage du train dont la lenteur est pour une fois une qualité. Le voyage se poursuit sans encombre, ponctué par l'écoute des quatuors de Dvorak avec Tomek, par les "blagues lépreuses" adaptées au contexte indien par Tomek et Robin et par un grignotage acharné de samosas.

Lorsque nous arrivons le lendemain à Amritsar, la nuit a bien sûr été courte. Dès la descente du train, il est évident que nous ne connaissons rien à cette Inde-là. Le Penjab est véritablement le pays des Sikhs, grands barbus enturbannés à l'allure fière ; je suis parfaitement incapable de comprendre le penjâbî, encore plus de le lire, par chance les chauffeurs de rickshaws parlent hindi, mais avec une intonation dure et des consonnes rauques. Depuis le pont ferroviaire, nous apercevons une manifestation conduire exclusivement par des femmes habillées en churidar-kamiz (nous nous rendrons vite compte que les saris sont extrêmement rares chez les femmes sikhes) ; pas la moindre idée d'ailleurs du motif de cette manifestation.

Nous finissons par négocier un rickshaw pour un prix à peu près convenable et nous entassons somme toute assez facilement dans cette carcasse motorisée. Amritsar, le "bassin de nectar", était étymologiquement censée nous plonger dans des délices religieux, ce qu'elle n'a pas manqué de faire d'autant plus que nous sommes arrivés bien involontairement au Temple d'Or en pleine fête religieuse sikh, et même la plus importante que connaisse le Penjab : l'anniversaire de Guru Nanak, le fondateur du sikhisme. Il est huit heures du matin et pourtant les rues sont déjà envahies et bruyantes ; pas évident donc de trouver un endroit pour prendre un p'tit déj'. Nous finissons par trouver un petit restaurant sombre mes propres où nous défilons un par un avec une brosse à dents pour faire un brin de toilette dans le robinet du fond - ça doit être étrange aux yeux des Penjâbis. La visite du Temple d'Or est bien sûr notre premier objectif, après l'adoption obligatoire d'un couvre-chef. Malgré la foule grouillante et excitée, le temple trônant au centre de son bassin sacré où se lavent des fidèles inspire l'apaisement. Une masse de gens font la queue sur la digue-parvis pour entrer dans le temple ; d'autres se recueillent assis au bord du bassin. En ce jour de fête, le recueillement est sur tous les visages, que ce soit celui, digne et fermé, des officiels du temple, ou celui, ému ou extatique, des fidèles venus de loin. Parades, mouvements de foule, jeux de lutte, rituels obscurs pour nous, l'ambiance de fête envahit chaque recoin du temple, et chacun y a un rôle assigné.

Ce temple est le lieu-saint par excellence des Sikhs. J'en avais entendu parler pour la première fois en cours d'histoire à cause du massacre de 1984 qui a ensuite été la cause directe de l'assassinat d'Indira Gandhi (les Sikhs avaient apparemment du mal à lui pardonner d'avoir fait charger l'armée dans le temple). Dans le même ton, passage devant l'entrée de Jalianwalla Bagh, jardin où les Britanniques ont massacré des centaines de civils en 1919.

Le Temple d'Or et la cérémonie quotidienne de la fermeture de la frontière indo-pakistanaise, à quelque 20 kilomètres de là, sont les deux attractions principales d'Amritsar. Nous négocions donc un aller-retour en jeep pour voir la cérémonie qui attire chaque jour des milliers de personnes. La foule massée sur les gradins nous empêche de bien voir le rituel observé farouchement, avec démonstration militaire accompagnée de chants patriotiques de chaque côté de la frontière. C'est évidemment à quel côté chantera le plus fort !

Après le retour dans le centre d'Amritsar, trouver une piaule pour la nuit s'annonce compliqué : nous avions prévu de passer la nuit au Temple d'Or, puisqu'un des piliers du sikhisme est d'offrir un hébergement gratuit à quiconque le demande. Mais en ce jour de fête, pas moyen de trouver six places dans un dortoir. Pas moyen non plus de trouver une chambre pas chère dans un hôtel : les hôtels aussi profitent du festival. Quand un digne Sikh au turban bleu nous aborde, nous voyageurs désespérés et sans toit, notre première réaction est d'être méfiant ; mais il finit par nous trouver une chambre pas -trop- chère juste derrière le Temple d'Or où nous pouvons nous entasser à six. Du coup, il se déclare notre ami pour la vie et notre guide pour le week-end. Après un petit repos bien mérité à l'hôtel, nous repartons pour le Temple, mais pas au complet car Tomek expérience les maladies-de-l'Homme-Blanc-en-Inde (je réalise d'ailleurs que je n'ai aucune photo de Tomek pendant ce voyage, je ne sais pas comment il a fait pour éviter autant l'appareil photo !). Notre inamovible guide-et-ami nous accompagne à travers le temple soi-disant habituellement plongé dans une atmosphère "mystérieuse" la nuit ; mais en ces temps de célébration le temple est recouvert de milliers de guirlandes électriques ! On repassera pour le mystère, mais il faut avouer que le sanctuaire a quelque chose de féérique quoiqu'intrinsèquement kitsch. Nous zigzaguons à travers la foule bigarrée et recueillie pour suivre notre guide à travers toutes les salles dont il connaît l'histoire attitrée ; "I like to help strangers when they arrive here. And today is a Holy day, it is about sharing".

Une odeur de pâtisserie sucrée flotte dans une terrasse dominant une grande salle qui après approche se révèle être une gigantesque cuisine où de très nombreux volontaires cuisinent de gigantesques quantités de nourriture dans de gigantesques ustensiles. Il y même une machine à chapatis qui fabrique des centaines de chapatis à la chaîne. La bouche m'en tombe. Repas frugal ensuite, chapatis, pickles et légumes assis en tailleur au milieu de centaines d'autres personnes faisant de même, alignés dans un calme religieux. Et à la sortie, nous avons droit à une belle vue plongeante sur le lave-vaisselle :

De retour sur une terrasse de marbre blanc entourant, accoudés à la balustrade qui plonge sur le fameux bassin de nectar ou trône le temple étincelant, nous réalisons que la foule tantôt amassée s'est mise en mouvement. Une procession s'éloigne du temple et vient vers nous, enserrant un petit groupe d'hommes. Ils soutiennent une sorte de chaise à porteurs apparemment vide mais révérée par la foule entière ; à mieux observée, on réalise qu'un tissu richement brodé recouvre un livre, que notre guide nous présente comme le Siri Guru Granth Sahib (surnommé par nous "le Méga-Book"), le livre sacré du sikhisme qui rejoint comme chaque jour sa demeure nocturne, mais en grande pompe ce soir.


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