Et maintenant, je suis ici :

vendredi 28 août 2009

"Hey ma'am, yes ma'am, buy this !"

Une paire de lunettes aviateur, un jean, trois bracelets tibétains et un Mc Do pour 910 roupies (13,70€), yiihhhhaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!

Je ne crois pas au destin. Mais...

Vous marchez dans la rue, traçant votre chemin au milieu d'un bazaar indien, en éveillant chacun de vos sens aux senteurs d'épices et de colorants de tissus, à la vue enivrante des milliers de couleurs des étals de fruits et des saris des femmes, dans votre bouche fond doucement le sucre d'un laddu acheté à cette vieille femme accroupie derrière ses sucreries, votre main se perd dans les sacs de condiments et d'épices granuleux, et votre ouïe s'affole de ces cris d'enfants, de ces marchandages virulents, de ces perçants et répétitifs coups de klaxon. Blur. Vous êtes déjà au-delà de la conscience, vos sens sont assaillis. Vous marchez dans une ivresse de rêve, ce rêve est loin d'être idéal mais la réalité est trop intense pour être ressentie avec clarté ; et pourtant, parce que vous sentez, vous pensez tracer votre propre route. Vous suivez ces odeurs de gingembre et de curcuma, vous entrez dans cette échoppe, vous décidez d'engager la conversation avec ce jeune homme aux yeux emplis d'une autre région de l'Inde, qui d'autre pourrait choisir pour vous ?

Je n'ai jamais cru au destin. Sans partir dans des considérations religieuses, j'ai toujours cru aux choix individuels, aux décisions engageant la conduite, la poursuite d'une "légende personnelle", unique, indivisible en indépendante. Pourtant, je crois au hasard, cette marge de flou que, selon son propre point de vue, on peut considérer comme l'espace où s'exprime une volonté supérieure ou celui où, dans les croisements, les rencontres et les arabesques de la vie, peut intervenir une certaine magie. Par inclination, je choisis la deuxième option. Hier, par hasard donc, j'ai recroisé le Sikh polydactyle qui m'avait été recommandé durant mes premiers jours en Inde et qui a purement et simplement disparu après m'avoir promis de m'aider à trouver un logement, et à cause duquel je me suis retrouvée dans une situation assez inconfortable pendant deux semaines. J'étais dans un Coffee Day en train de prendre un verre et j'ai vu le reflet de sa main à six doigts dans le miroir du fond... J'ai eu toutes les explications sur sa disparition, et depuis il fait tout (et un peu trop) pour se faire pardonner. Mais pourquoi nous sommes-nous retrouvés, au milieu de Delhi, ce monstre aux 15 millions d'âmes ? Pour lui, bien sûr, c'est le destin, son Dieu l'a renvoyé à moi pour faire amende honorable. Pour moi, c'est l'indice que peut-être ce qu'il nous reste encore à écrire sait se rappeler à nous. Et j'ai encore tellement soif d'écrire ma propre histoire... Je souris à ces indices, que certains appelleront "signes", et qui le seront peut-être. Je sors mon jeu de tarot et je pose des questions sur aujourd'hui et sur demain, avec une distance amusée certes, mais après tout la main qui choisit les cartes retournées écrit elle aussi dans l'espace du hasard. Pourquoi pas après tout ? Rien n'est fini.

mardi 25 août 2009

Flying too high

I’m driving fast
And walking too slow
I’m catching my breath
I’m wrecking the show

Riding through storm
I’m riding through sun
I’d be padding fast with the wind on my chest
If your heart I had won

I’m on my way to you now
But I can’t get there quickly enough
No matter how I try
No matter how I try

I’m flying too high
I’m making a scene,
On my way to your arms
My impatience is mean

I’m flying too high

I’m making a scene
On my way to your arms
I’m blazing


Brisa Roché, Flying too high


Journée euphorisante ! Observation n°1 : je vais en cours ! J'ai même un bel emploi du temps avec le nom des cours dans des petites cases de couleurs châtoyantes. Pour ce semestre, ce sera "Historical methods", "Social power and social subordination", "Movement and migration : from Empire to Nation states in South-East Asia" et "Capitalism and colonialism". En espérant que ça suffira à valider mon année... J'attends une réponse de la grande-patronne-manitou-suprême-du-master-histoire-moderne-et-contemporaine-à-Lyon-2. J'ai aussi un contact désormais régulier avec mon tuteur de recherche, extrêmement sympathique et à l'écoute, qui me donne les premières pistes pour définir un sujet. Observation n°2 : j'ai aussi commencé les cours de hindi ! J'suis allée voir avec les autres ce que donnait le cours pour débutants, mais ça suffisait juste pour se marrer pendant 2h en voyant le prof complètement perdu réécrire plusieurs fois un même mot qu'il avait écrit trop gros pour que ça rentre dans le tableau... C'est ainsi que je me suis retrouvée au cours "advanced hindi" et là, héhéhé, y'a du boulot mes amis ! Heureusement j'ai trouvé un Français qui rame autant que moi, c'est parfait, on écumera l'océan indien en galère (remarquez la belle métaphore filée). Ainsi donc, j'ai en tout 8h de cours d'histoire par semaine + 6h de cours de hindi, ce qui nous fait 14h, auxquelles il faut ajouter la louuurde masse de tutorials à écrire tous les 10 jours et à soutenir devant tout le groupe de TD... Et mon année sabbatique elle est où ? M'aurait-on menti ??

Aujourd'hui est aussi le jour de ma première plongée dans la circulation delhite dans un autre moyen de transport que le rickshaw. Et pas n'importe lequel : une MOTO ! Eh oui, me voilà assise derrière mon co-rameur qui est aussi motard, quelques minutes de mise en roues sur le campus, puis, sans transition, soudain les vrais embouteillages, les vrais fous du volant, la vraie circulation. Moi, angoissée ? Je me redresse toute fière, arc-boutée à l'arrière. "Ma mère me déshériterait pour ça. - Pour quoi ? - En moto, à Delhi, sans casque... - Y'a un casque attaché à l'arrière, prends-le !". Quelques minutes arrêtés en pleine circulation, le temps que je comprenne comment boucler le casque, et nous voilà lancés. Il roule comme un Indien, un vrai, il zigzague entre les voitures arrêtées, il accélère à fond dès qu'apparaissent quelques mètres dégagés, il se rit des gros camions à la carrosserie customisée et au pot d'échappement fumant comme les naseaux du monstre du Loch Ness. Les torrents de circulation s'accumulent à l'entrée des flyovers qui jalonnent la route vers le sud de Delhi, et tous les véhicules rivalisent d'ingéniosité pour dépasser les copains. Parfois, soudain, on se rend compte que le rideau opaque de véhicules crapahutant s'ouvre d'un coup d'un seul et on s'élance sur le flyover, qui alors porte bien son nom. On accélère et mon visage rencontre l'air dur, mes traits se mélangent comme à la surface d'une eau tourbillonnante, je plisse les yeux et leur iris vert coule et déborde. Je serre d'une main la poignée à l'arrière du siège, de l'autre mes livres et mes cahiers qui ne demandent qu'à caramboler. Alors que je crispe ma main sur l'épaule de mon co-rameur-motard qui zigzague un peu trop ou n'anticipe pas assez les fourbes ralentisseurs qui jalonnent la route, la pluie se met à tomber. "Ah nan pas maintenant putain !" De nouveau un embouteillage devant un autre flyover. Un fou-rire nous prend qui attire l'attention des conducteurs arrêtés tout autour de nous, avec leurs fenêtres grandes ouvertes pour profiter de la fraîcheur de la pluie et leurs guirlandes extra kitsch accrochées au rétroviseur et au volant. "Je pourrais sortir mon parapluie de mon sac". Il sort un peu surnaturellement de ma besace, comme aidé par une bourrasque. Son ombre noire est éclatante dans la lumière jaunâtre des lampadaires. La moto tousse un peu mais avance coûte que coûte, il ne faut pas rester là, c'est une évidence ! On contourne un vieux rickshaw abandonné en travers sur le bord de la route en faisant gaffe aux bus surpeuplés qui doublent par la gauche, on ignore les vindicatifs coups de klaxon des voitures auxquelles on vient de couper la route, et on s'envole. Le parapluie ploie un peu mais tient le choc, on domine les lampadaires puis toute la longueur du flyover, la circulation est noyée dans la lumière du soir réfractée par les gouttes de pluie. Les phares bleus et rouges envahissent le tissu de la nuit, je plisse encore un peu les yeux et mes cils qui se croisent ne reflètent plus que la lumière. Je crois que j'ai laissé tomber mon sac et mes livres, mais qu'importe je tiens le parapluie à deux mains et c'est moi qui tiens le cap pendant que les jambes de mon co-rameur-motard font des moulinets dans l'air nocturne. Là, au loin, juste en face, la grande terrasse de mon appartement et les odeurs de chapatis ratés qui s'en échappent en ricanant.

"Non, tu veux vraiment pas que j'ouvre mon parapluie ?"
:-)

dimanche 23 août 2009

Queen of Sheba

Première grande dancing party, quelque part en plein milieu du campus, au bout d'un chemin serpentant entre les arbres. La piste de danse s'étendait de façon incongrue sous les étoiles, les flashlights étincelaient dans les feuilles d'arbres et dans les gouttes de rosée. Quelle surprise de voir les Indiens danser ! Ils dansent assidument, ardemment. Ils connaissent toutes les paroles des chansons hindi remixées que crachent les énormes haut-parleurs, ils dansent en un groupe compact plutôt composé d'échantillons de la gent masculine (à bons entendeurs français, salut !). Il suffisait d'ailleurs de se glisser sur la piste et d'effectuer quelques déhanchés pour être immédiatement entourée d'une cour de fervents admirateurs ! J'avais l'impression d'être la reine de Saba, créature exotique et courtisée par tous. Ici, un sourire est une promesse.

Musique poussée à fond, danses, projets de voyages, nouvelles rencontres, bières indiennes, la soirée était déjà suffisamment particulière... Mais comme rien ici ne se fait jamais à moitié, il a fallu que les péripéties se poursuivent après notre retour à la maison, à 3h du matin, quand nous nous changions avec la porte du balcon ouverte parce qu'il faisait trop chaud, et quand des klaxons depuis le flyover passant juste au niveau de nos fenêtres nous rappelèrent qu'en Inde, l'intimité n'existe pas.

jeudi 20 août 2009

(I'm getting) lost in translation

"For today's lecture the discussions will be held in English or in Hindi".

Bloody hell.

Les yeux vairons

mercredi 19 août 2009

कश्मीर (Kashmir)

Il y a deux façons de survivre à un été en Inde lorsqu'on est un Occidental paumé : vivre "following the hype way", dans un bel appart climatisé à 50 000 roupies par mois, avec une belle voiture climatisée (et aux vitres fumées), en prenant ses aises dans un bon restaurant climatisé. En bref, ne jamais entrer en contact avec l'atmosphère indienne. Ou alors, on peut aussi se barrer des villes envahies, polluées, bruyantes, et fuir dans les montagnes, comme les héros de Tarun Tejpal dans Loin de Chandigarh. Les Anglais, il y a à peine quelques décennies aux relents de thé avec un nuage de lait, ne s'y étaient pas trompés, et sonnaient la retraite vers Shimla chaque été. A mon tour donc de procéder à une radicale et efficace transhumance, en migrant subrepticement de Delhi (c'est-à-dire en "omettant" d'aller en cours après à peine deux semaines d'université) vers le Cachemire, "paradise on earth".


1/ श्रीनगर (Srinagar)
Une semaine (presque) entière loin de la folie des mégapoles
avec quelques amis de la fac, Marine, Hélène et Lorenz, et puis aussi avec Elena, la très dynamique Bulgare dont j'ai déjà parlé... Direction Srinagar, un des aéroports les mieux gardés du monde, pour rejoindre presque immédiatement le Lac Dal où nous attendait notre petit chez nous, un houseboat au fin fond du lac. Une maison flottante, au milieu des nénuphars... Pour la petite histoire, si le guide du Routard dit vrai, ces houseboats ont d'abord été construits par les Anglais qui contournaient ainsi l'interdiction faite aux étrangers d'acheter des terres ! Futés, ceux-là ! L'endroit a un charme indéniable, voire incontournable. Ces ensembles de maisons flottantes que l'on rejoint par shikara (très pittoresque bateau à rame, à négocier aussi âprement qu'un rickshaw !) forment un univers à part, bien sûr avant tout destiné à recevoir des touristes, mais qui a aussi sa vie propre. Les magasins sont installés dans des grands houseboats, certains produits sont vendus sur des shikaras habilement manoeuvrés par des vendeurs-pirates qui harponnent notre bateau pour nous vendre fleurs, bijoux, thé, pashminas, certains marchands vont jusqu'à s'incruster le soir venu sur notre houseboat... Les longues barques effilées se croisent inlassablement sur l'eau qui reflète le bleu pur des montagnes. Des paysannes coupent les tiges de lotus - on en fait d'ailleurs une sorte de friture très savoureuse. Cinq fois par jour le lac retentit des prières musulmanes qui viennent de toutes les mosquées alentour, parfois dans des mélopées qui semblent ne jamais s'arrêter et même enfler de seconde en seconde. La vie au fil de l'eau est infiniment agréable, mais on se sent un peu prisonnier car pour rejoindre la terre ferme il faut commander et négocier un skikara. Qu'importe, pour quelques jours, on peut s'accorder de longs moments de détente sur le houseboat, sur le toit de celui-ci ou sur le ponton. A la nuit tombée, la lumière devient irréelle, elle semble venir des montagnes. Des aigles planent de leur cime jusqu'au lac, et on devine la silhouette d'un très ancien temple hindou en haut de la montagne la plus proche. Et puis, tout est double et tout se répond, car le lac est un miroir fidèle y compris la nuit, ce qui est un peu surnaturel. The place to be, c'est sur le toit, éventuellement avec quelques bouteilles de bière (n'oublions pas qu'il y a un Allemand parmi nous). Je souligne d'ailleurs mon exploit, décapsuler des bouteilles avec une cuillère à soupe... Sur le toit, on est entre le souffle de l'eau et les étoiles, et on profite du silence. Même la rame des shikaras-men semble n'effleurer la surface qu'avec douceur.


2/ And I went to the mountains
J'aurais pu m'attarder sur le lac Dal pendant encore des jours, à visiter les jardins moghols, le marché flottant, les échoppes de pashmina, et un peu plus loin la vieille ville, la mosquée ancienne toute en bois... Mais la deuxième partie de notre voyage, tout aussi excitante, consiste en un trek en jeep à travers les montagnes toutes proches. Bon, l'erreur, peut-être, a été de laisser le proprio de notre houseboat nous organiser tout ça, ce qui implique un prix relativement élevé et peu de liberté. Et puis, il n'a pas bien compris au début ce que nous avions envie de voir, et nous emmène dans des endroits peu ragoûtants comme un petit glacier jaunâtre envahi par des centaines de touristes indiens. Je ne comprendrai jamais ce que les Indiens trouvent de détendant à s'entasser dans des endroits faciles d'accès mais un peu "exotiques" alors qu'il suffit de marcher un peu plus pour goûter à la solitude. Bref, un petit topo entre nous et une rebuffade envers Hamid (le proprio) plus tard, nous voici en partance, de nuit, sur une route complètement défoncée, pour une autre vallée, plus élevée, où, il l'a promis, on trouvera une vraie nature indomptable et un village gipsy. Il fait nuit, la jeep subit violemment chaque nid-de-poule ou endroit carrément défoncé de la route, et sur le moment je préfère ne pas savoir, grâce à l'obscurité, quel genre de précipices ou virages dangereux nous longeons. Quoi qu'il en soit, cela en vaut la peine. Nous passons la nuit dans un refuge plus que rudimentaire, mais qui est une fenêtre ouverte sur la montagne. Tout près, un village tzigane, avec ces gens qui vivent dans des huttes et suivent un mode de vie ancestral, au cœur de la rudesse de la montagne. Un peu plus loin, les ruines d'un temple hindou, préservées dans une région pourtant à écrasante majorité musulmane. Un peu plus loin encore, une longue balade le long de torrents vigoureux. Deux d'entre eux se rejoignent en formant un ilot auquel on accède par une passerelle en bois, et sur cet ilot on trouve de multiples pousses de... cannabis et myosotis !

Le retour à la ville de Srinagar marque la fin de cette parenthèse montagnarde et un peu idyllique il faut le dire ! Nous profitons des deux derniers jours sur le houseboat en allant nager au milieu des nénuphars - ce qui est loin d'être une brillante idée, malgré le côté très agréable, à cause du regard que portent les musulmans d'ici sur une femme en maillot de bain..., nous explorons les collines alentour en marchant par exemple jusqu'à un temple hindou à travers une colline couverte de végétation, nous assistons à une prière musulmane, nous dépensons pas mal de sous pour de l'artisanat local., et découvrons les fameux pashminas (en nous faisant sans doute un tout petit peu arnaquer)...

Pour finir, un petit mot sur le Cachemire et l'ambiance là-bas. Si on s'en tient aux recommandations de l'ambassade de France et si on lit les journaux occidentaux, cela semble être une région en guerre dans un bordel monstre. En effet, la région est totalement contrôlée par les militaires, qui sont partout, de l'aéroport aux marches de temples, en passant par les bazars et les routes désertes. Mais Srinagar et les montagnes alentour se visitent sans aucun problème, et les gens ici sont particulièrement accueillants, même si l'arnaque rôooode partout !

vendredi 14 août 2009

Homesick

Je décolle dans quelques heures pour le Nord de l'Inde, dans les montagnes, à la recherche de fraîcheur et de paysages préservés. Paraît qu'il y a de beaux lacs, j'emporte mon maillot de bain (une pièce, pas bikini, bwaahhaaa nous sommes en Inde que diable !), au cas où. Pour cette petite virée rafraîchissante je serai avec plusieurs amis, dont ma coloc et d'autres gens de l'université, et je serai de retour le 19 août. Il y a fort à craindre que je ne sois absolument pas joignable d'ici-là, vu que je n'aurai pas Internet et que mon portable ne marche que dans l'Etat de Delhi. En compensation, promis je reviendrai avec des tonnes de belles photos =)

By the way, je pars juste au moment où je commence à ressentir un certain pincement au coeur en pensant à la France. Je vais me remplir les yeux pour conjurer le sort ! Mais quand même, je mangerais bien un peu de tiramisu de ma maman...

jeudi 13 août 2009

Toi, toi, mon toit !

Quand l'air devient suffoquant et la chaleur insoutenable, quand en plus les dieux s'en mêlent et coupent l'électricité dans Delhi saturée, et que donc même les ventilateurs renoncent à faire leur travail, quand le ciel est comme une chape de plomb au-dessus de ma tête, un instant j'ai l'espoir qu'en fermant les yeux je pourrai m'imaginer sur une plage bretonne, le corps dans une eau à 17 degrés, un vent frais sur ma peau ; mais je rouvre les yeux et me rends compte que le rythme de mon coeur s'accélère, que mon corps se couvre de sueur. Mes yeux trop grands s'affolent et s'écarquillent.

Alors soudain je me lève et j'ouvre toutes les portes et toutes les fenêtres. Qu'importe le bruit de la circulation qui enfle comme une vague écumante. Alors presque je cours et je traverse l'appartement, je déverrouille la solide moustiquaire de la terrasse. Le sol est brûlant sous mes pieds nus. Je saisis l'échelle à deux mains, un peu trop vivement, et je grimpe, en tanguant un peu, l'échelle n'est pas très sûre. La poussière virevolte dans la chaleur de la fin d'après-midi. Mais quand j'arrive en haut, tout en haut, je peux parler directement au ciel. Je domine les arbres à palmes qui ont été verts il y a quelque temps je crois. Les toits de plâtre ou de tôle s'enchaînent à l'infini. Des enfants sur les toits trouvent un refuge et un lieu de jeux : des cerfs-volants s'élèvent et dessinent des volutes dans l'air lourd. J'ai un peu le vertige et je frissonne doucement. Je respire.


lundi 10 août 2009

"Désolé, vous n'avez pas accès à ce titre depuis votre pays de résidence"

Mwaaaaaahhhhhhhh (gémissements de Lucifer le méchant chat) peux plus utiliser Deezer... Quelqu'un a le secret ?

Pas content. Zouk zouk.

dimanche 9 août 2009

Sacrée vache

Aujourd'hui j'ai mangé un STEAK. Un steak de BOEUF.

vendredi 7 août 2009

A nos actes manqués

Somedays I feel broke inside but I won't admit
Sometimes I just wanna hide 'cause it's you I miss

And it's so hard to say goodbye when it comes to this

Would you tell me I was wrong?
Would you help me understand?

Are you looking down upon me?

Are you proud of who I am?

There's nothing I wouldn't do

To have just one more chance

To look into your eyes and see you looking back


Christina Aguilera, Hurt.

{Aivazovsky, Orage dans la mer du Nord (1865)}



jeudi 6 août 2009

Rakshabandham

Hier, notre première fête religieuse indienne ! Cette fête-là célèbre l'amour entre un frère et une soeur. A l'occasion de cette fête hindoue, dans chaque famille, la soeur donne à son frère un bracelet, le rakhi, qu'elle noue autour de son poignet, et en retour, le frère lui offre sa protection et... un petit présent, souvent sous forme d'une somme d'argent ! Pour l'occasion, un des plus magnifiques spécimens d'embouteillages que j'aie connus depuis mon arrivée ici... Bah oui, ce jour-là tout le monde va voir sa famille... Les saris de fête étincellent à l'arrière des motos et des rickshaws, les hommes sortent leur plus belle chemise, les enfants sont tirés à quatre épingles... C'est un festival de couleurs au coeur de la chaleur et des traffic jams.

Car bien sûr, nous avons choisi de sortir ce soir-là... Galère pour trouver un rickshaw puisqu'ils sont tous pris, et quand ils ne le sont pas, ils demandent un prix exorbitant... "Holy day"... Never mind, nous finissons par en trouver un, en payant plus de deux fois le prix habituel. Où allons-nous ? Bonne question... Nous allons chez un Indien rencontré de façon folklorique, Naseeruddin. C'est quoi une rencontre folklorique ? Imaginez Marine et moi installées dans un rickshaw au beau milieu de la cohue de Old Delhi, imaginez les Indiens que nous dépassons fascinés par notre peau blanche (et notre beauté légendaire !), imaginez un Indien en moto zigzaguant entre les voitures pour rester à notre hauteur et profitant d'un embouteillage au carrefour pour nous donner sa carte et nous inviter à manger...

Nous acceptons son invitation, non sans amener avec nous deux hommes très très virils de peur de tomber dans un affreux guet-apens, et passons finalement une très belle soirée dans la vieille ville. Quelqu'un m'a dit "Ca y est, tu commences à voir l'Inde de l'intérieur, à goûter à la vraie hospitalité indienne !", et, oui, c'est ça. Et l'hospitalité indienne, c'est pas de la rigolade ! Un apéro, un plat de mouton, un plat de poulet, un plat de poisson, un plat de riz biryani, un plat de naans, des sucreries orientales en dessert, et du whisky, du whisky... A ne jamais s'arrêter de manger et de boire. Et notre hôte... se vexe si nous arrêtons de manger ! J'en suis quitte pour un lendemain sans absorber quoi que ce soit...

Et le meilleur moment de l'hospitalité indienne, de cette Inde vue de l'intérieur, c'est cet instant où Naseer nous guide à travers les vieilles ruelles, pleines de vie malgré l'heure tardive, entre ces échoppes miteuses aux étals couverts de fruits et de tissus semblant ne jamais fermer, et nous emmène dans un de ces endroits secrets, loin des sentiers quotidiens. Il faut monter, monter encore, à travers les étages empilés des immeubles branlants, et finalement escalader une échelle pour parvenir en haut d'un toit plat qui domine tout le quartier. A perte de vue ce ne sont que des troupeaux d'immeubles à trois étages et de vieilles bâtisses, rassemblés par la lumière du soir : la lune a une lueur si particulière ici... Et au loin, dominant ce quartier musulman comme un berger, Jama Masjid s'élève, dressant ses minarets dans l'air du soir et dans l'argent de la lune.


Cold, cold water surrounds me now

Je peux supporter chaque sacrifice, chaque perte de repère, chaque moment de doute que traverse un expatrié dans un pays aussi déconcertant que l'Inde. Je n'ai encore pas ressenti le mal du pays et je savoure chaque nouvelle découverte, au jour le jour. Les journées s'enchaînent et ne se ressemblent pas, portant en marée montante des flots de rencontres et de révélations. Ce pays tient toutes ses promesses et est un enrichissement quotidien : la générosité et l'hospitalité sont partout, surtout là où on ne les attend pas, comme une fleur d'un bleu tendre au beau milieu d'un amas de gravats. Mais je rêve de voir l'horizon. Mais je rêve de laisser glisser mes doigts le long des touches d'un piano. Cette nostalgie m'étreint avec une force inattendue ou se détache de moi dans un souffle, mais jamais ne me quitte vraiment.

lundi 3 août 2009

One minute of Indian poetry

Where the mind is without fear and the head is held high
Where knowledge is free
Where the world has not been broken up into fragments
By narrow domestic walls
Where words come out from the depth of truth
Where tireless striving stretches its arms towards perfection
Where the clear stream of reason has not lost its way
Into the dreary desert sand of dead habit
Where the mind is led forward by thee
Into ever-widening thought and action
Into that heaven of freedom, my Father, let my country awake

Rabindranath Tagore, Geetanjali

आगरा (Agrâ)

Agrâ. La ville moghole par excellence, la capitale d'Akbar, le plus fameux des Grands Moghols. Elle enserre entre ses rues bariolées et étouffantes, comme dans un écrin, le Taj Mahal, le lieu le plus emblématique de l'Inde du point de vue des étrangers. C'est vrai quoi, le Taj, c'est l'équivalent en portée symbolique de la Tour Eiffel, et d'ailleurs, le plus ironique, c'est qu'on trouve vraiment des boules à neige avec le Taj dedans (qui en veut un ?). Agrâ n'est pas très éloignée de Delhi, à peine 2H30 de train, ce qui m'a fourni l'occasion d'expérimenter pour la première fois les wagons-couchettes en 3ème classe, et, très franchement, ce n'est pas si mal que ça ! A part qu'en effet, il vaut mieux être extrêmement vigilant si on veut ne rien se faire voler... Il faut dormir sur ses affaires en gros ! Nous étions donc 4 filles en partance pour le grand rêve indien. Quelques minutes de rickshaw après l'arrivée du train en gare d'Agrâ, on nous a indiqué le Taj Mahal au fond d'une petite ruelle encombrée de magasins (et donc, de rabatteurs...) et interdite à la circulation pour préserver le Taj de la pollution.

My god, le ticket pour visiter ce monument est très cher, le plus cher d'Inde : 750 roupies, autant dire un petit luxe ici. Tarif spécial pour les étrangers... On nous suce un peu le sang en nous faisant payer bien plus que les Indiens. Si seulement on était sûr de participer directement au développement économique de l'Inde... Ensuite, on nous déleste de tous les objets interdits, boissons, nourriture, cigarettes... Une petite fouille, un petit poinçon sur le ticket plus tard, nous voilà dans la première cour intérieure.

Là se dresse un gigantesque portique à l'architecture déjà impressionnante... Le grès rouge étincelle aux lueurs déjà violentes du milieu de matinée, mettant en valeur les savants motifs d'arabesques et d'incrustations musulmanes. Mais la vraie rencontre a lieu juste après ce portique... En s'approchant on commence à deviner, à travers le portique, l'éclat blanc du Taj mahal. Puis il apparaît d'un seul coup, comme si on levait soudain un grand rideau. On ressent une certaine émotion à la vue de ce sublime monument aux formes élancées et aux couleurs pures... Je l'ai comparé dans un autre article à Humayun's tomb, et la ressemblance de forme entre les deux monuments est en effet très claire. Mais celui-là est bien plus réussi... Tout le monde connaît l'histoire de Shah Jahan et de son épouse préférée Mumtaz Mahal, pour qui il a fait construire ce mausolée... Il faut aimer au-delà de toute imagination pour faire concevoir un pareil monument. L'amour existe ? C'est ce que les Indiens voudraient me faire croire. "Agrâ is de city of de love, yes ma'am !", "But dis is love you know, me talking to you !"

Devant le Taj Mahal, de longs bassins malheureusement desséchés (selon les photos pro, il est quand même censé se refléter dans des bassins d'eau pure... Moi être déçue !). Derrière le Taj, la Yamunâ qui étend ses eaux crasseuses sur des milles et des milles. Pour les zoologues passionnés, j'ajoute une photo où on aperçoit un troupeau de bufles pataugeant dans cette eau ;)
Tous les détails du Taj sont d'une perfection incroyable. Zoom-dézoom, mon objectif d'appareil photo s'affole ! Même chose une fois entrées dans la mosquée, aux perspectives de grès ouvragé, aux fines arabesques, à la lumière décomposée par les portes placées sur un plan octogonal... Même sous la chaleur accablante et avec les pieds nus brûlés par les dalles de marbre exposées au soleil, et malgré la foule grouillante qui se précipite pour visiter cette perle de l'Inde, ce pan d'histoire moghole sait mériter sa réputation et faire surgir dans le coeur du visiteur une indéfinissable nostalgie à la pensée de cet amour immense mué en une architecture fière et éternelle.


samedi 1 août 2009

New Delhi part 1 : हुमायूं का मकबरा (Humayun's tomb)

Week-end tranquille à Delhi. Enfin, bien sûr, "tranquille" reste relatif, on est toujours en Inde ! Notre appart se peuple petit à petit, Tristan a enfin réussi à avoir toute sa paperasse et à débarquer en Inde, et pour l'instant il squatte chez nous jusqu'à ce qu'il trouve un logement. Ce week-end il y a aussi Lucie, l'autre étudiante de Lyon 2 qui fait son M1 en Inde, à Chennai. Elle a fait 33h de train en sleeper rien que pour venir voir un colloque à Delhi ! Oh, remarque, par la même occasion elle a pu profiter de ma divine compagnie, donc l'arrangement était rentable =) Hum, passons. Justine, notre 3e coloc, est aussi venue s'installer ce week-end. Donc en gros, on commence à mettre de la vie dans cet appart tout vide ! Je consacrerai d'ailleurs un prochain article à la description de cet appart !

Ce petit groupe bien sympathique décide donc de faire du tourisme à Delhi. Cette fois, nous restons dans la partie New Delhi et allons visiter un beau monument de l'époque moghole, la tombe d'Humayun. Il s'agit d'un très beau mausolée, quoique pas très bien conservé, bien intégré dans un univers de jardins et de bassins. C'est une femme, Hamida Banu Begum, l'éplorée veuve d'Humayun, qui l'a fait construire en 1570. Un beau témoignage d'amour... A ce propos, la tombe a été construite peu avant un autre impressionnant témoignage d'amour, le Taj Mahal, et lui ressemble sur pas mal de points, si bien qu'on dit souvent que c'est l'architecture de cette tombe qui a inspiré Shah Jahan pour le Taj Mahal. Je pourrai voir ça par moi-même très bientôt, puisque je pars demain très tôt pour Agra...


Je crois bien que jamais encore en Inde je n'avais ressenti cette impression de sérénité en visitant un monument. La plupart des hauts lieux moghols ne se visitent que de l'aube au crépuscule, et nous y étions peu avant la fin de journée. Alors tout était presque désert, les pierres flamboyaient encore un peu du soleil de la journée mais déjà une certaine fraîcheur se faisait sentir, amplifiée par les courants d'air entre les vieilles pierres. Le soleil était déjà bas, juste au-dessus de la cime des arbres, et au loin, quelque part, retentissait un chant soufi qui résonnait jusqu'au coeur de la tombe. En somme, un moment d'éternité...