Et maintenant, je suis ici :

mercredi 10 février 2010

जैसलमेर (Jaisalmer)

La longue route vers Jaisalmer est sans conteste mon plus long voyage en train, et pourtant, à quelques heures de la fin, je me sens fraîche. Les dix-sept heures de voyage ne sont pas qu’une formalité, mais j’ai passé une bonne longue nuit de sommeil malgré le gars qui ronflait de l’autre côté de la paroi et Julien qui faisait ami-ami avec les militaires en patrouille dans les compartiments. Nous nous sommes tous réveillés recouverts d’une pellicule de sable : c’est officiel, nous sommes en plein désert du Thar. L’excitation monte à la lecture des guides de voyage qui promettent safaris à dos de dromadaire, désert à perte de vue, nuits au creux d’une dune… On verra bien, en attendant j’observe le désert à travers la fenêtre du compartiment et j’écris blottie contre Piyush, malgré les regards réprobateurs des Indiens agglutinés tout autour et gardant les yeux fixés sur Marine et sur moi. Dix-sept heures de train, et même vingt, avec le retard, c’est finalement plutôt long dans une promiscuité curieuse et malsaine. retard, c’est finalement plutôt long dans une promiscuité curieuse et malsaine. L’arrivée à Jaisalmer est donc un soulagement malgré la charge des rabatteurs d’hôtels à peine avons-nous posé le pied sur le quai de la gare. Nous prenons deux rickshaws pour nos six paires de fesses, habilement négociés par notre Indien préféré. Direction le fort de Jaisalmer où nous partons à la recherche d’un organisateur de camel safaris. Après une négociation aux résultats plus que discutables et une tentative d’arnaque, nous voilà décidés pour un safari de trois jours et deux nuits à travers le désert alentour.


Départ en jeep du fort de Jaisalmer, vers les premières landes du désert qui se faisait déjà sentir aux pieds de la forteresse : elle émerge d’un océan de sable flamboyant. Là, nous trouvons nos dromadaires attitrés, et après la première aventure qui est bien sûr de grimper sur ces choses mouvantes et grognantes, direction le sud-ouest, où on sait au loin la frontière du Pakistan. Impressions dominantes : le jour qui meurt, le vent de la fin du jour qui court entre les petites roches éparses et effleure le sable clair. Quand le soleil se retire, l’ocre enflammé du sable et le bleu lavande venu d’on ne sait où donnent des nuances mordorées à chaque amoncellement de sable. Après 1h30 sur les dromadaires, en s’éloignant de la civilisation mais pas encore en la quittant tout à fait, comme nous le rappellent des éoliennes et d’imposants pylônes électriques, nous montons notre campement, ou plutôt non, ce n’est pas vraiment un campement : on dormira à la belle étoile. Lorsque la nuit se fait noire, repas rajasthanais cuisiné entre des cailloux. Puis retour auprès du grand feu qu’il faut alimenter toutes les quelques minutes, avec des chansons indiennes au rythme de clappements de mains et de percussions de fortune. Et la jupe rouge de Christie qui tourne autour du feu quand elle danse, le blanc incandescent des flammes qui mentent en bleu et en jaune dans le noir total du désert. Les visages boivent toute la lumière autour du feu ; derrière eux, l’obscurité.

Le deuxième jour, les arrière-trains s’habituent aux soubresauts des dromadaires. On apprend même à se mettre au galop sans attendre le signal et l’aide du chamelier, et puis aussi à se lancer dans des courses gagnées haut la main par les filles, merci ! Il y a de l’ambiance : l’expérience physique est sollicitante mais les rires fusent et les chameliers ont l’air d’avoir cultivé depuis des années un humour bien particulier, à coups d’anglais fleuri, de chansons et d’interpellations diverses. Ici, quelques extraits savoureux du vocabulaire de Mister Daniel.

Full power twenty-four hours!
Go, Mix Vegetables! (surnom donné à Christie)
I’m a camel man, in the bloody sand (sur l’air de “Barbie girl” d’Aqua!)
Why like this? (comprendre : « qu’est-ce qu’il se passe ? »)
No possible, then problem.
No chapatti, no tchai, no woman no cry.
1,2,3 India is free, 4,5,6 nothing to fix, 7,8,9 camel is fine.
Single boy sleeping with camel (les deux couples du groupe peuvent dormir à deux pour se tenir chaud, ce n’est pas le cas du pauvre Julien, mais une solution existe : dormir avec le dromadaire !)
Camel college without knowledge.
Camel making honeymoon bye bye (comprendre : “les dromadaires mâles ne se soucient pas de leur descendance”)
Why not, coconut !
Julienji, why camel going wrong way? (Julien avait un dromadaire quelque peu recalcitrant, une femelle refusant d’avancer dans la bonne direction tant que son petit n’était pas près d’elle)


Le désert du Thar, ce n’est pas vraiment ces immenses étendues de sable et de dunes que l’on a dans l’esprit quand on prononce le mot « désert » ou que l’on a des réminiscences du roman « L’Alchimiste ». Les cactus se mêlent aux buissons et aux roches grises, et à travers cet étrange mélange se glissent des chèvres noires, quelques vaches maigres au regard torve, et quelques très rares paysans en kurta blanche et enturbannés d’orange. On s'arrete trois ou quatre fois dans des minuscules villages ou les gens vivent de facon bien rudimentaire et ou nous faisons sensation : difficile de repartir de chaque village avec toutes nos possessions !



Lorsque la nuit tombe (si tôt !) sur nos corps courbaturés pour la seconde fois, nous sommes au milieu des seules vraies dunes de sable de ce désert. Ce soir encore, installation rudimentaire autour du feu pour le dîner et les longues discussions du soir, puis Christie danse avec ses bollasses enflammées. Et quand il fait totalement noir et que tout le monde commence à s’endormir près du feu, j’escalade la dune la plus haute avec Piyush, pieds nus dans le sable froid et sans aucune lumière pour nous guider. Un moment unique, là, sous les étoiles du désert, sur le versant d’une dune qui plonge sur un océan de sable.


Le safari se poursuit sans incident, presque magiquement, jusqu'au retour au matin du troisième jour. Nous occupons nos dernières heures à Jaisalmer en agissant comme de vrais touristes, mais un peu plus aguerris que la moyenne, en nous glissant dans les vieilles ruelles étroites, en négociant des sacs en cuir et des draps typiques de cette ville, et en nous félicitant grandement de ce très, très beau week-end.



3 commentaires:

  1. J'voulais y aller moi aussi...

    M'en fous, à moi Bombay!

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  2. Très bel article, ça fait rêver...

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  3. Et bien ça faisait longtemps un bel article avec plein de photos et de souvenirs :)

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