Et maintenant, je suis ici :

jeudi 27 mai 2010

Népal (3) Pokhara पोखरा

La fameuse ville de Pokhara, destination touristique par excellence du Népal. Autant dire que notre voeu sacré de ne pas dépenser d'argent inutile avant le retour à Kathmandou est mis à dure épreuve. Mais nous résisterons - et devrions être intronisées pour ça. Le premier jour à Pokhara est loin d'être passionnant puisqu'il est occupé par une belle grasse matinée (ah bah oui, la jungle, ça fatigue), un long déjeûner flemmard sur les bords de Phewa Tal et... un remaniement radical et laborieux de tous nos plans pour cause budgétaire. Nous décidons, après force discussions avec Marine, de ne pas prendre l'avion à Kathmandou pour rentrer, mais de quitter le Népal par la terre. Avec tous les problèmes d'annulation, de nouvelles réservations, de difficiles contacts par téléphone, de conseils contradictoires, établir notre nouvel itinéraire prend des heures, a fortiori toute la journée. Point culminant de la journée : un moment à buller comme des larves à All that jazz, un café jazz spécial touristes, à déguster des momos...

Le programme du lendemain par conséquent n'a pas beaucoup de mal à être nettement plus intéressant. Il paraît que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt (quand il le faut). Du coup aujourd'hui au moins le Népal nous appartient, avec un réveil à 4h. Le taxi réservé la veille pour partir à 4h30 n'apparaît pas, malchance courue d'avance, mais nous sautons dans le premier taxi venu, coup de chance imprévu. Le but de notre expédition matinale est le lever de soleil depuis Sarangkot, colline dominant Phewa Tal. Malgré l'heure très matinale et l'atmosphère encore d'un bleu sombre aux particules éparses, de nombreux Népalais sont déjà levés et grimpent la colline. "Les Népalais sont sportifs !" De nombreuses femmes, seules ou en petits groupes, enveloppées dans des châles, avancent d'un pas très assuré, leurs mollets durs et saillants se devinent sous leurs jupons colorés, souvent rouges, quand elles marchent. Sarangkot, as expected, est très touristique. En effet visites "hors des sentiers battus" du Lonely Planet ne le restent pas longtemps ! La tête de la colline, dégagée de la végétation, est un point d'observation ouvert à 360°, parasité par quelques dhabas et étalages d'objets artisanaux accrochés comme des moules sur un rocher. De ce promontoire, on peut confirmer que la relief de Pokhara est unique et vertigineux : nulle part ailleurs on ne peut admirer des dénivelés aussi impressionnants, entre même pas 1000m et les sommets les plus hauts de l'Annapurna. Le lever de soleil se fait attendre, mais sait ménager son entrée en se reflétant d'abord subtilement sur les sommets. Un couple de jeunes mariés indiens, dont l'allure et l'attitude prouvent autant qu'ils se sont mariés par amour qu'ils viennent d'un milieu aisé, se tient enlacé en haut du promontoire et entretient un air de parfaite béatitude. Dans la vallée courent des rivières longeant des villages encore perdus dans une lumière incertaine ; au sud s'étend la forme calme et majestueuse du lac, très en contrebas de la montagne. Lorsque le soleil apparaît enfin, la lumière pleut subitement sur les cimes et les vallées, noyant les villages, les rivières, les gens.

A quel point la pente est raide pour aller jusqu'au lac depuis Sarangkot, on ne le comprend qu'en descendant le chemin abrupt qui la plupart du temps ressemble davantage à un escalier pour géants. Après une heure de descente les jambes commencent à être flageolantes, le cœur mal accroché. Pendant un moment de faiblesse, un Népalais maigre mais robuste nous dépasse à toute allure. "Mais comment fait-il ?" Nous finissons par comprendre le truc des indigènes qui galopent à travers la montagne tous les jours que leurs dieux font : de grandes enjambées, toniques, en appuyant chaque pas sur des cailloux plats saillant sur le chemin. Il ne faut quand même pas avoir froid aux yeux quand la pente est raide comme le Titanic avant de couler. Le chemin fait de temps à autre des coudes qui permettent de dominer un large panorama incluant de larges terrasses agricoles éclairées de biais par le soleil encore bas, et le lac aux reflets violets. Rocailles, maisons carrées ocres accrochées à la pente, aux cours peuplées de chèvres et de buffles. Les habitants profitent de leur temps libre pour s'asseoir sur les marches de leur maison, sous les avancées de toit, fument des bidis, crient des "Namaste" sur notre passage. Soudain la pente devient douce et le lac apparaît.

Retour à la civilisation donc et dénichage de taxi pour filer dans Old Pokhara - il s'agit de rattraper le temps perdu la veille ! Cette fois les conseils du Lonely Planet nous font vraiment atterrir loin des coins perclus de touristes. Ici le temps semble s'être arrêté, avec de vieilles échoppes de récipients en métal, de paniers, de bijoux en or. Sur les bâtiments anciens, les pourtours de fenêtres sont sculptés, dentelles de bois qui doivent filtrer la lumière de l'intérieur. Ce type de sculpture est aussi présent sur le fronton de petits temples perdus dans les ruelles, tantôt hindous (mais on n'a pas le droit d'entrer si on n'est pas hindou) tantôt bouddhistes (bienvenue chez nous). Pendant que je prends des gros-plans de bas-reliefs, Marine a la bonne idée de disparaître ; s'ensuit une poursuite-enquête-interrogatoire à travers les rues de Pokhara. "Non, on l'a pas vue". "Hahahaha vous avez perdu votre copine ?" "Une Blanche comme vous ?". Jusqu'à ce que je la trouve sur une place de marché où elle essayait de trouver un chargeur pour son portable éteint depuis le début du voyage. "Ah mais je croyais que tu me suivais ! - Bah nan".

L'après-midi se poursuit avec un trek à cheval. Pas question en effet de se reposer : vous vous rappelez que le Népal nous appartient ? Un trek à cheval, c'est-à-dire une balade dans les montagnes en poney, accompagnées par un guide de 13 ans, à pieds et armé d'un bâton pour faire avancer les poneys. Qui n'obéissent du coup à aucun autre ordre, malgré mes efforts autoritaires. La première partie du trek me semble peu agréable, car il faut d'abord sortir de la ville, en galérant sur le bitume, en devant répondre aux innombrables "Namaste" des enfants et ignorer les moqueries des adolescents en bus ou en voiture (être Blanche signifie déjà être une attraction en soi, alors être une Blanche à cheval...), les chevaux effrayés par les bruits métalliques mais étonnamment peu réceptifs à la masse des coups de klaxon - les animaux évoluent en s'adaptant à leur milieu naturel. Partie désagréable qui dure d'autant plus longtemps que le guide se rend compte après plus d'une demi-heure de route qu'il ne nous emmène pas dans la bonne direction. Une fois la ville et la route quittée, la balade vaut beaucoup plus nettement le coup, avec un chemin abrupt serpentant à travers les terrasses et les petits hameaux. Au bout d'une langue de terre s'interrompant de façon extrêmement brusque au-dessus des terrasses trône un grand margousier à l'ombre duquel se serre une famille entière. Notre petit guide gère les croisements difficiles sur le chemin avec quelques jeeps, tout en nous exposant son désir de migrer pour l'Australie et y devenir docteur... Le but ultime du voyage, World Peace Pakoda, une stupa blanche de proportions régulières trônant en haut d'encore un de ces escaliers typiques-de-l'ascension-spirituelle-bouddhiste. C'est décidément la journée des escaliers. Je HAIS les escaliers.

Le retour paraît plus court mais la portion bitume tout aussi désagréable. L'équation-résumé de la journée, c'est grands escaliers multiples + trek à cheval = très très mal partout. Nous marchons au ralenti et les jambes arquées comme Henry Fonda jusqu'à un restaurant proposant un spectacle de folk dances manquant finalement singulièrement d'enthousiasme. Enthousiasme retrouvé par la suite devant un steak de buffle et une tarte au citron meringuée - ça peut avoir du bon d'être de vraies simples touristes pour une fois. Extinction très tôt après ça, je ne m'étais pas couchée si tôt depuis la veille de ma rentrée en 2nde.

2 commentaires:

  1. J'suis sûr que t'as galéré pour trouver la comparaison avec le Titanic v_v ;)

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  2. J'allais dire la même chose que Florent ^^ En tout cas, cette comparaison m'a fait beaucoup rire, au moins autant que les jambes arquées de Henry Fonda. ^^

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