Et maintenant, je suis ici :

vendredi 28 août 2009

Je ne crois pas au destin. Mais...

Vous marchez dans la rue, traçant votre chemin au milieu d'un bazaar indien, en éveillant chacun de vos sens aux senteurs d'épices et de colorants de tissus, à la vue enivrante des milliers de couleurs des étals de fruits et des saris des femmes, dans votre bouche fond doucement le sucre d'un laddu acheté à cette vieille femme accroupie derrière ses sucreries, votre main se perd dans les sacs de condiments et d'épices granuleux, et votre ouïe s'affole de ces cris d'enfants, de ces marchandages virulents, de ces perçants et répétitifs coups de klaxon. Blur. Vous êtes déjà au-delà de la conscience, vos sens sont assaillis. Vous marchez dans une ivresse de rêve, ce rêve est loin d'être idéal mais la réalité est trop intense pour être ressentie avec clarté ; et pourtant, parce que vous sentez, vous pensez tracer votre propre route. Vous suivez ces odeurs de gingembre et de curcuma, vous entrez dans cette échoppe, vous décidez d'engager la conversation avec ce jeune homme aux yeux emplis d'une autre région de l'Inde, qui d'autre pourrait choisir pour vous ?

Je n'ai jamais cru au destin. Sans partir dans des considérations religieuses, j'ai toujours cru aux choix individuels, aux décisions engageant la conduite, la poursuite d'une "légende personnelle", unique, indivisible en indépendante. Pourtant, je crois au hasard, cette marge de flou que, selon son propre point de vue, on peut considérer comme l'espace où s'exprime une volonté supérieure ou celui où, dans les croisements, les rencontres et les arabesques de la vie, peut intervenir une certaine magie. Par inclination, je choisis la deuxième option. Hier, par hasard donc, j'ai recroisé le Sikh polydactyle qui m'avait été recommandé durant mes premiers jours en Inde et qui a purement et simplement disparu après m'avoir promis de m'aider à trouver un logement, et à cause duquel je me suis retrouvée dans une situation assez inconfortable pendant deux semaines. J'étais dans un Coffee Day en train de prendre un verre et j'ai vu le reflet de sa main à six doigts dans le miroir du fond... J'ai eu toutes les explications sur sa disparition, et depuis il fait tout (et un peu trop) pour se faire pardonner. Mais pourquoi nous sommes-nous retrouvés, au milieu de Delhi, ce monstre aux 15 millions d'âmes ? Pour lui, bien sûr, c'est le destin, son Dieu l'a renvoyé à moi pour faire amende honorable. Pour moi, c'est l'indice que peut-être ce qu'il nous reste encore à écrire sait se rappeler à nous. Et j'ai encore tellement soif d'écrire ma propre histoire... Je souris à ces indices, que certains appelleront "signes", et qui le seront peut-être. Je sors mon jeu de tarot et je pose des questions sur aujourd'hui et sur demain, avec une distance amusée certes, mais après tout la main qui choisit les cartes retournées écrit elle aussi dans l'espace du hasard. Pourquoi pas après tout ? Rien n'est fini.

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