Et maintenant, je suis ici :

mercredi 19 août 2009

कश्मीर (Kashmir)

Il y a deux façons de survivre à un été en Inde lorsqu'on est un Occidental paumé : vivre "following the hype way", dans un bel appart climatisé à 50 000 roupies par mois, avec une belle voiture climatisée (et aux vitres fumées), en prenant ses aises dans un bon restaurant climatisé. En bref, ne jamais entrer en contact avec l'atmosphère indienne. Ou alors, on peut aussi se barrer des villes envahies, polluées, bruyantes, et fuir dans les montagnes, comme les héros de Tarun Tejpal dans Loin de Chandigarh. Les Anglais, il y a à peine quelques décennies aux relents de thé avec un nuage de lait, ne s'y étaient pas trompés, et sonnaient la retraite vers Shimla chaque été. A mon tour donc de procéder à une radicale et efficace transhumance, en migrant subrepticement de Delhi (c'est-à-dire en "omettant" d'aller en cours après à peine deux semaines d'université) vers le Cachemire, "paradise on earth".


1/ श्रीनगर (Srinagar)
Une semaine (presque) entière loin de la folie des mégapoles
avec quelques amis de la fac, Marine, Hélène et Lorenz, et puis aussi avec Elena, la très dynamique Bulgare dont j'ai déjà parlé... Direction Srinagar, un des aéroports les mieux gardés du monde, pour rejoindre presque immédiatement le Lac Dal où nous attendait notre petit chez nous, un houseboat au fin fond du lac. Une maison flottante, au milieu des nénuphars... Pour la petite histoire, si le guide du Routard dit vrai, ces houseboats ont d'abord été construits par les Anglais qui contournaient ainsi l'interdiction faite aux étrangers d'acheter des terres ! Futés, ceux-là ! L'endroit a un charme indéniable, voire incontournable. Ces ensembles de maisons flottantes que l'on rejoint par shikara (très pittoresque bateau à rame, à négocier aussi âprement qu'un rickshaw !) forment un univers à part, bien sûr avant tout destiné à recevoir des touristes, mais qui a aussi sa vie propre. Les magasins sont installés dans des grands houseboats, certains produits sont vendus sur des shikaras habilement manoeuvrés par des vendeurs-pirates qui harponnent notre bateau pour nous vendre fleurs, bijoux, thé, pashminas, certains marchands vont jusqu'à s'incruster le soir venu sur notre houseboat... Les longues barques effilées se croisent inlassablement sur l'eau qui reflète le bleu pur des montagnes. Des paysannes coupent les tiges de lotus - on en fait d'ailleurs une sorte de friture très savoureuse. Cinq fois par jour le lac retentit des prières musulmanes qui viennent de toutes les mosquées alentour, parfois dans des mélopées qui semblent ne jamais s'arrêter et même enfler de seconde en seconde. La vie au fil de l'eau est infiniment agréable, mais on se sent un peu prisonnier car pour rejoindre la terre ferme il faut commander et négocier un skikara. Qu'importe, pour quelques jours, on peut s'accorder de longs moments de détente sur le houseboat, sur le toit de celui-ci ou sur le ponton. A la nuit tombée, la lumière devient irréelle, elle semble venir des montagnes. Des aigles planent de leur cime jusqu'au lac, et on devine la silhouette d'un très ancien temple hindou en haut de la montagne la plus proche. Et puis, tout est double et tout se répond, car le lac est un miroir fidèle y compris la nuit, ce qui est un peu surnaturel. The place to be, c'est sur le toit, éventuellement avec quelques bouteilles de bière (n'oublions pas qu'il y a un Allemand parmi nous). Je souligne d'ailleurs mon exploit, décapsuler des bouteilles avec une cuillère à soupe... Sur le toit, on est entre le souffle de l'eau et les étoiles, et on profite du silence. Même la rame des shikaras-men semble n'effleurer la surface qu'avec douceur.


2/ And I went to the mountains
J'aurais pu m'attarder sur le lac Dal pendant encore des jours, à visiter les jardins moghols, le marché flottant, les échoppes de pashmina, et un peu plus loin la vieille ville, la mosquée ancienne toute en bois... Mais la deuxième partie de notre voyage, tout aussi excitante, consiste en un trek en jeep à travers les montagnes toutes proches. Bon, l'erreur, peut-être, a été de laisser le proprio de notre houseboat nous organiser tout ça, ce qui implique un prix relativement élevé et peu de liberté. Et puis, il n'a pas bien compris au début ce que nous avions envie de voir, et nous emmène dans des endroits peu ragoûtants comme un petit glacier jaunâtre envahi par des centaines de touristes indiens. Je ne comprendrai jamais ce que les Indiens trouvent de détendant à s'entasser dans des endroits faciles d'accès mais un peu "exotiques" alors qu'il suffit de marcher un peu plus pour goûter à la solitude. Bref, un petit topo entre nous et une rebuffade envers Hamid (le proprio) plus tard, nous voici en partance, de nuit, sur une route complètement défoncée, pour une autre vallée, plus élevée, où, il l'a promis, on trouvera une vraie nature indomptable et un village gipsy. Il fait nuit, la jeep subit violemment chaque nid-de-poule ou endroit carrément défoncé de la route, et sur le moment je préfère ne pas savoir, grâce à l'obscurité, quel genre de précipices ou virages dangereux nous longeons. Quoi qu'il en soit, cela en vaut la peine. Nous passons la nuit dans un refuge plus que rudimentaire, mais qui est une fenêtre ouverte sur la montagne. Tout près, un village tzigane, avec ces gens qui vivent dans des huttes et suivent un mode de vie ancestral, au cœur de la rudesse de la montagne. Un peu plus loin, les ruines d'un temple hindou, préservées dans une région pourtant à écrasante majorité musulmane. Un peu plus loin encore, une longue balade le long de torrents vigoureux. Deux d'entre eux se rejoignent en formant un ilot auquel on accède par une passerelle en bois, et sur cet ilot on trouve de multiples pousses de... cannabis et myosotis !

Le retour à la ville de Srinagar marque la fin de cette parenthèse montagnarde et un peu idyllique il faut le dire ! Nous profitons des deux derniers jours sur le houseboat en allant nager au milieu des nénuphars - ce qui est loin d'être une brillante idée, malgré le côté très agréable, à cause du regard que portent les musulmans d'ici sur une femme en maillot de bain..., nous explorons les collines alentour en marchant par exemple jusqu'à un temple hindou à travers une colline couverte de végétation, nous assistons à une prière musulmane, nous dépensons pas mal de sous pour de l'artisanat local., et découvrons les fameux pashminas (en nous faisant sans doute un tout petit peu arnaquer)...

Pour finir, un petit mot sur le Cachemire et l'ambiance là-bas. Si on s'en tient aux recommandations de l'ambassade de France et si on lit les journaux occidentaux, cela semble être une région en guerre dans un bordel monstre. En effet, la région est totalement contrôlée par les militaires, qui sont partout, de l'aéroport aux marches de temples, en passant par les bazars et les routes désertes. Mais Srinagar et les montagnes alentour se visitent sans aucun problème, et les gens ici sont particulièrement accueillants, même si l'arnaque rôooode partout !

7 commentaires:

  1. Comme j'avais hâte de lire ton post sur le Kashmir (cela faisait au moins 3 jours que je guettais quotidiennement ton post)... je n'ai pas été déçue pour un sous !
    Avez-vous pris l'avion de Delhi pour arriver à Srinagar ? Est-ce le seul moyen de parvenir à Srinagar ?
    ... comme ton post m'a donné envie d'y aller !
    Bizz et à très bientôt !

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  2. Hey Chapatiiiis ! J'ai essayé d'en faire ce soir mais au dernier moment j'ai été invitée à une soirée et j'ai encore dû renoncer ;)

    A propos de Srinagar, oui nous avons pris l'avion. Les billets ne sont pas très chers (environ 70€) et le vol est très court (1h10). Apparemment il y aussi un bus qui fait la liaison entre Delhi et Srinagar, mais selon le Routard il prend au moins 26H et il n'y en a qu'un par jour !!

    Contente que mon article t'ait plu, pour moi le Cachemire a été ma meilleure expérience de l'Inde jusqu'à présent !

    Je t'embrasse

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  3. Gayelle, darling...
    la fille de la 3è photo, elle vient pas de Science-Po Rennes?...

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  4. Hey, j'avais pas fait vraiment attention : tu as lu "Loin de Chandigard" de Arun Tejpal, il est trop bien ce livre n'est-ce-pas (un vrai bon livre bien indien) ?
    As-tu des conseils de lecture (indienne) pour moi ?
    Pour le moment, je lis "Le Procès" de Kafka... et je retrouve en partie une petite impression de déjà vu (à une échelle bien plus minime) vis-à-vis de l'administration des trains en Inde (surtout de notre épisode à Delhi du changement de ma réservation de billet de train), et parfois aussi un peu de celle de la fac (bien qu'il n'y ait que très peu d'enjeu en l'espèce) !
    Bizz du Sud

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  5. c'est quoi ce hasard trop bizarre? Je la connais!! o.O

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  6. C'est pas un hasard trop bizarre, elle est en 3e année et elle fait son année d'échange dans la même université que moi ;) Et elle te connaît aussi !

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